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LES DIEUX 253

littéraire exclusivement, puisque la question, si souvent agitée, du merveilleux dans le poème épique s'y trouve impliquée.

Et tout d'abord il est vraiment superflu de faire remarquer que, pour les poètes homériques, il n'y avait pas une mythologie poétique différente des croyances contemporaines. Les dieux de l'épopée étaient aussi les dieux de la vie ordinaire. On ne demandait à l'imagination du public aucune com- plaisance et on n'invoquait aucune convention litté- raire pour les lui faire accepter. En représentant les dieux comme en représentant les hommes, le poète mettait en scène ce qu'il considérait comme une réalité vivante.

Ces dieux, d'après la croyance commune, avaient une forme humaine et des passions humaines. Toute- fois, comme la plupart d'entre eux n'avaient été à l'origine que des personnifications des grands phé- nomènes naturels, quelque chose de cette ressem- blance primitive avec la nature subsistait encore en eux '. Le peuple concevait Zeus comme un homme d'une force et d'une majesté merveilleuses, mais il rimaginait au milieu des nuages qui s'assemblaient à son appel, tenant la foudre dans sa puissante main et capable d'ébranler le monde d'un seul mouvement de sa tête. La vengeance d'Apollon, quand il frappait ses ennemis, participait du mystère et de la sou- daineté des fléaux inattendus qui viennent s'abattre sur les hommes : ses flèches sifllaient à travers les airs, et l'on croyait entendre frémir dans les mur- mures du vent la corde terrible de son arc d'argent. Poséidon habitait les abîmes transparents de la mer,

1. J. Girard, Le sentiment religieux en Grèce d* Homère à Eschyle^ cliap. 1.

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