Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/389

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d’une part les récits d’Ulysse, de l’autre, avant ces récits, une sorte d’introduction dramatique, qui, en fait, les dépassait de beaucoup en importance. Ce n’était pas un poème, car il n’y avait pas de dénoûment ni même de régularité dans le développement de l’action: c’était un groupe de chants, et rien de plus. Mais ce qui en faisait déjà l’unité profonde et ce qui allait en faire la fécondité, c’était l’admirable conception du caractère d’Ulysse, c’était l’intérêt puissant que le poète avait su donner à cet immense et unique désir de la patrie et du foyer domestique, si fortement imprimé dans l’âme de son héros.

Il en fut de l'Odyssée comme de l'Iliade. Le premier groupe de chants qui apparut en suscita d’autres par son succès même. Mais il y eut une différence notable. Les premiers chants de l'Iliade laissaient entre eux des intervalles d’action que les premiers continuateurs se mirent naturellement à remplir. Ceux de l'Odyssée formaient une série plus continue : il n’y avait rien d’intéressant à insérer entre l’arrivée d’Ulysse chez les Phéaciens et ses récits [1]; les récits eux-mêmes pouvaient, il est vrai, être augmentés, et ils le furent effectivement, mais ce développement ne se serait pas prolongé sans monotonie. D’ailleurs, avant de les étendre, il y avait mieux à faire : c’était de ramener Ulysse dans sa patrie. Le premier groupe de chants avait rendu le

  1. On y inséra pourtant la plus grande partie du livre VIII en plusieurs fois, mais le vide même de ce développement accuse la stérilité du sujet.