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CONTINUATION DU RECIT 341

trois derniers chants étroitement unis ensemble et formant un groupe presque indissoluble. Il serait téméraire de vouloir déterminer aujourd'hui avec précision dans quel ordre chronologique les diffé- rents actes de cette longue série épique ont été produits. Dans leur état actuel, ils se font suite les uns aux autres, mais les premiers ne sont pas si indispensables aux derniers que ceux-ci n'aient pu exister d'abord sans les autres. Il est donc possible que le poète, allant d'abord aux situations princi- pales, ait ensuite agrandi son œuvre à loisir. Tout en ce genre lui était permis, et chaque jour lui ap- portait son inspiration.

On peut dire que VOdtjssée en cet état devait avoir un charme et une beauté, qui, loin de s'être accrus dans la suite par des perfectionnements apparents, en ont été plutôt diminués. Nous voyons trop au- jourd'hui, dans la seconde partie, un poète qui se donne de la peine pour mener parallèlement plu- sieurs récits, et en somme un certain nombre de scènes sont plus utiles que vraiment intéressantes. Au contraire tout était attachant et vivant dans ces scènes primitives qui se succédaient sans être liées. Poésie sans entrave, sans scrupule dogmatique, sans raideur d'aucune sorte, essentiellement souple et indépendante, qui choisissait librement dans un vaste sujet les parties aimables et fécondes, et n'avait aucun souci d'être complète pourvu qu'elle fût dra- matique et qu'elle plût. L'imagination des auditeurs suivait celle du poète et ne lui imposait pas d'exi- gence pénible. Nulle habitude de prose ne se mêlait encore à ce délicieux commerce de pure poésie entre des esprits également jeunes. On ne demandait pas à l'épopée de ressembler à une chronique, ni de marcher sur une grand'route à pas comptés. Fille

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