ETENDUE ET UNITE DU POÈME 349
Vlliade sort tout entière d'une situation morale et,
pour ainsi dire, d'une passion ; on ne saurait trop
admirer la puissance et la fécondité du génie qui a
tiré cette situation de la légende, qui Ta rendue tout
d'abord si intéressante, et qui a marqué avec tant de
vigueur les deux ou trois phases principales de son
développement. Dans V Odyssée ^ les événements du
poème ne sont pas les conséquences d'une situation
morale posée dès le début. La destinée d'Ulysse est
indépendante de sa volonté, en grande partie du
moins ; il la subit, mais il ne la fait pas ; par là même
les phases de l'action sont moins fortement liées les
unes aux autres.
Toutefois l'unité de Y Odyssée est évidente et Aris- tote a eu raison de la mettre en lumière comme il l'a fait. Mais elle n'appartient pas comme celle de Vlliade à un seul auteur : elle est Toeuvre commune des trois poètes principaux dont nous avons distin- gué dans le poème actuel les inventions successives. Le plus ancien, l'auteur des Récits d'Ulysse et de son séjour chez les Phéaciens, en a déposé le germe dans ses chants en prêtant à Ulysse une pensée do- minante, celle de rentrer dans sa maison; l'unité totale lui doit plus qu'à tout autre. Après lui, l'au- teur des principaux chants de la seconde partie a développé ce germe en prenant précisément comme sujet l'accomplissement de celte pensée d'Ulysse ; c'est grâce à lui que l'aventure du héros est deve- nue un tout, puisqu'il lui a donné sa fin naturelle. Enfin le poète de la Télémachie^ loin de méconnaître ou d'oublier cette unité, a plutôt cherché à la forti- fier, en faisant entrevoir et désirer dès le commen- cement du poème le retour et la vengeance d'Ulysse qui en forment le dénoùment.
Malgré cette collaboration si intelligente, non seu-
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