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ÉTENDUE ET UNITÉ DU POÈME 351

se déroule sur plusieurs théâtres très différents, tantôt sur les mers, tantôt dans une île merveilleuse, tantôt à la campagne, tantôt dans le palais d'Ulysse. Mais c'est là une variété plus extérieure que pro- fonde. Celle qui vient du poète lui-même, de ses inventions personnelles, est moindre dans VOdyssée que dans V Iliade, Toute la Télémachie est d'un même ton, qui, malgré la brièveté relative de cette partie du poème, ne laisse pas que d'être monotone. Mais c'est surtout à partir du treizième chant jusqu'à la fln, que ce manque de variété se fait sentir. Nous ne trouvons pas là, comme dans V Iliade^ ces alternatives puissantes, ces scènes gracieuses ou touchantes, mêlées à des scènes passionnées, ces différences de ton et de manière qui réveillent sans cesse l'atten- tion*. Rien ne révèle mieux la différence d'âge des deux poèmes. Quand V Iliade se fait, la poésie épique, toute jeune encore, laisse à l'initiative de chaque poète une ample liberté; au contraire, au temps de VOdyssée,, les traditions sont devenues plus assu- jettissantes ; l'art a ses procédés qui le rendent plus facile, mais aussi moins original : l'aède a moins d'efforts à faire, et, par une conséquence nécessaire, il est moins personnel.

Ajoutons que VOdyssée, selon la. remarque bien connue de Longin, est moins dramatique que V Iliade,

��1. La critique de la Harpe ù ce sujet n'est pas aussi injuste qu'on l'a dit quelquefois, malgré son exagération évidente. « La marche de \ Odyssée, dit-il, est languissante. Le poème se traîne d'aventures eu aveutures, sans former un nœud qui attache l'attention, et sans exciter assez d'intérêt. La situation de Pénélope et de Télémaque est la même pendaut vingt-quatre chants, etc. • {Cours de littérature j chap. iv, section première.) Tout cela est plutôt dur dans la forme ^ qu'entièrement inexact quant au fond.

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