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LE RECIT 361

d'y admirer. Il avait fallu plus de génie sans doute pour représenter les masses d'hommes qui se heur- taient avec fureur dans la plaine d'Ilion ; mais, pour tracer ces charmants tableaux, il fallait plus d'esprit et presque autant de poésie.

Un autre trait propre aux récits de VOdyssée^ c'est la part qu'ils font à la fantaisie, du moins dans les chants où Ulysse raconte ses voyages. Ces longues chaînes d'aventures merveilleuses ne ressemblent guère à la série des scènes guerrières de VIliade, De narrateur épique qu'il était autrefois, le poète s'est fait conteur, presque à la façon des Orientaux. C'est là encore un des charmes propres de VOdyssée: nous l'aimons pour son merveilleux, comme nous aimons VIliade pour son héroïsme.

Ce qu'il y a d'exquis dans ce merveilleux, c'est qu'il concilie constamment et sans le moindre effort deux choses qui semblent s'exclure, la naïveté enfantine des inventions et la vraisemblance morale la plus déli- cate'. Cette fine étude des sentiments que nous venons de signaler comme le trait caractéristique de la seconde partie du poème, elle est aussi partout dans ces aventures merveilleuses, mais elle y est, sans contrarier en rien la liberté gracieuse de l'imagina- tion. Ce sont de vrais contes d'enfants que les récits relatifs aux Lotophages et aux Cyclopes, mais qu'il y a de vérité humaine et d'art inaperçu dans ces contes ! L'épisode du Cyclope est le chef d'œuvre en ce genre. Avec quelle habileté peut-être instinclive ce géant fantastique n'est-il pas placé dès le début du récit dans un milieu qui lui prête, pour ainsi dire, toute

��1. Nous n'avons en vue ici que la partie ancienne des récils d'UIyssC; telle que nous l'avons déterminée précédemment. Pour les parties plus récentes, il faudrait faire des réserves.

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