Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/414

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

364 CHAPITRE VII. — L'ART DANS L'ODYSSEE

V Iliade, ils plaisent par une vérité délicate et souvent familière, grâce à laquelle plusieurs d'entre eux, dans des situations fort analogues, se distinguent pour- tant les uns des autres.

Ulysse est le digne héros du poème, dont il sou- tient, pour ainsi dire, presque tout le poids. On ne saurait douter qu'avant même la naissance des pre- miers chants de V Odyssée, son caractère n'ait été déjà assez nettement esquissé par les récils poétiques qui avaient cours. Dans VIliade, il est représenté à la fois comme brave et comme habile; sa réputation de prudence énergique et de savoir faire est déjà bien établie ; mais rien dans le poème ne justifie Tépithète de ^woXjtXa;, « durement éprouvé », qui y revient à plusieurs reprises. Si donc elle n'a pas été introduite dans V Iliade postérieurement à V Odyssée, ce que nous croyons peu problable, elle fait allusion à une légende déjà formée relative aux voyages du héros. C'est de cette légende qu'a dû sortir la première esquisse du rôle. Ulysse par conséquent s'est offert au plus ancien poète de VOdyssée comme un type d'homme avisé, endurci à la peine, indomptable dans la souf- france, et constamment en possession des merveil- leuses ressources de son esprit comme de celles de son courage.

Voilà ce que ce poète a reçu, mais voici maintenant ce qu'il a crée de lui-même. Cette énergie intelligente d'Ulysse, il a su la rendre vraiment dramatique, en nous la présentant, dans un récit tout nouveau, non comme une sorte de résignation passive ou de vertu naturelle, mais comme l'cfTort d'une volonté géné- reuse appuyée sur un motif profondément liumain. Son Ulysse n'est pas seulement un homme qui souflVe avec courage; ce qu'il y a de vraiment supérieur en lui, c'est rattachement à son idée, qui elle-même

��� �