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INTRODUCTION

cipaux héros de l’épopée, et Hermès représentait le même type parmi les dieux. Or dans l’histoire de la littérature, ce qu’avait de dangereux cette souplesse native de la race se montrera aussi clairement que ce qu’elle avait d’excellent. Elle prendra possession de l’art avec une facilité remarquable, elle en tirera parti brillamment, mais elle en viendra souvent à se complaire par trop dans l’exercice de ses facultés. Cicéron nous apprend dans une lettre que Posidonios de Rhodes (un philosophe pourtant et des plus graves) et d’autres encore, qu’il ne nomme pas, lui écrivaient pour le prier de leur envoyer des notes sur son consulat : ils se chargeraient ensuite de les orner ; « instabant ut darem sibi quod ornarent[1]. » On peut voir là sans doute un trait de la décadence. Mais il ne faut pas oublier que les décadences ne font pas apparaître dans le caractère d’une race ce qui n’y était pas antérieurement. Déjà Cléon, chez Thucydide[2], reproche aux Athéniens d’être « des spectateurs de discours et des auditeurs d’actions », c’est-à-dire de considérer les luttes des orateurs à la tribune comme un spectacle et les événements comme un drame émouvant. C’était là le défaut naturel de la qualité la plus hellénique. Lorsqu’un peuple dispose de facultés si promptes et si variées, le danger pour lui, c’est de s’en servir en virtuose, au lieu de les adapter sérieusement à l’œuvre de la vie humaine.

Si maintenant, outre cette aptitude générale, nous voulons distinguer chez les Grecs quelques qualités d’esprit, d’imagination ou de sentiment plus particulières, voici les principales observations qui se présentent à nous.

  1. Ad Attic., II, 1.
  2. Thucyd., III, 38, 4.