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548 CHAPITRE XII. — LA THEOGONIE

d'aujourd'hui, voilà tout. Les critiques peuvent di- viser ingénieusement son œuvre et lui prêter la con- ception de grandes périodes distinctes : sa pensée à lui reste obscure : ou il n'a rien su de tout cela, ou il n'a pas exprimé ce qu'il savait.

S'arrétera-t-il au moins à nous raconter en détail l'avènement de Zeus? Un commencement de récit lui suflit. Zeus, sauvé par sa mère Rhéa, grandit en Crète, ignoré de son père Cronos. Devenu fort et hardi, il délivre ses frères et rend la liberté aux Cyclopes. Ceux-ci par reconnaissance lui donnent la foudre, grâce à laquelle il règne sur le monde. S'il y a eu lutte entre Cronos et son fils, le poète n'en dit rien. Cet avènement de Zeus est le plus grand fait de toute l'histoire mythique : on est sur- pris de voir à quel point il s'accomplit sans bruit et combien le récit lui donne peu d'importance.

Nous revenons alors à Japétos(507). Sa lignée per- sonnifie l'humanité d'une manière à la fois grandiose et tragique. Les quatre fils du Titan sont Atlas, Mé- nœtios, Prométhée et Epiméthéc, tous quatre enne- mis de Zeus, révoltés contre lui, châtiés par lui ; mythes pleins d'attrait pour nous, vivifiés en quelque sorte par un sens hardi et obscur. Pourquoi ici en- core la poésie hésiodiquc ne rompt-elle pas ses li- sières? Voici une belle occasion de prendre l'essor; elle n'ose pas, ou ne comprend pas. Plus que jamais, elle s'enferme dans sa concision symétrique; quel- ques mots seulement, comme un sommaire rapide d'anciens récits bien connus, c'est tout ce qu'elle accorde au sort de chacun des quatre frères. Seule, la légende de Prométhée est un peu plus déve- loppée ; mais ce développement même appartient-il à la Théogojiie primitive? En partie peut-être, mais non pas dans son entier; on sent assez, avec un peu

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