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UNITÉ PRIMITIVE DU POÈME 557

Grèce tout entière a contribué à le peupler. Il y a donc synthèse dans cette petite partie de la Théogonie aussi bien que dans l'ensemble. Cela étant, voici ce que suppose la théorie que nous discutons. Elle nous demande de croire qu'à un certain moment, il y a eu en Grèce nombre de poètes qui ont été frappés simultanément de l'utilité d'une synthèse théogo- nique ; et alors, sans s'ôtre concertos, ils se sont si bien entendus et compris, que l'un a groupé d'après ce principe les dieux de la mer, un autre ceux du ciel, un autre encore les vents, et ainsi de suite; dans ces conditions, la Théogonie complète a pu être facile à faire : toutes les parties de la char- pente étaient taillées, il a sufli de les ajuster. On pensera sans doute avec nous qu'il suffît aussi d'ajuster toutes les parties d'une hypothèse de ce genre pour qu'elle s'écroule aussitôt.

Donc nulle hésitation possible sur ce point essen- tiel. Il y a eu un poète, quel qu'il soit d'ailleurs, qui a conçu la Théogonie en entier, comme un déve- loppement continu, et qui a réalisé cette conception dans le poème que nous possédons. Il a rassemblé un jour devant son imagination toutes les légendes divines, toutes les traditions qui lui étaient connues; il les a comparées, jugées ; il a fait son choix parmi elles, et de cette matière confuse il a tiré une œuvre systématique dont toutes les parties sont liées entre elles. Il est évident qu'un tel travail n'aurait pas été possible, s'il n'eut été préparé à la fois par un mouvement des esprits et par un certain nombre d'essais partiels. Mais ni ces essais ne nous sont connus, ni ce mouvement n'est attesté pour nous par des faits que l'on puisse citer. Nous voyons un sérieux effort et un remarquable résultat; comment l'un et l'autre se sont-ils produits ? Nous l'ignorons.

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