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558 CHAPITRE XII. — LA THÉOGONIE

Il faut reconnaître la grandeur de l'œuvre et renoncer à en découvrir les antécédents immédiats.

Du moins nous ne devons pas rendre le problème plus obscur encore, en prêtant à l'auteur de la Théo- gonie des idées philosophiques qui ne sont pas réel- lement empreintes dans sa composition. Il y a ici une mesure délicate à garder; car il est également inexact de dire qu'il est tout à fait philosophe et qu'il ne l'est en aucune façon*.

A coup sûr, son idée fondamentale, celle d'unifier et de simplifier la mythologie, a en elle-même quel- que chose de philosophique ; tendre vers l'unité, c'est toujours tendre vers la science. En outre, il est incontestable qu'on entrevoit derrière cet immense déroulement de généalogies une idée plus ou moins claire de l'organisation progressive du monde. A l'origine, il n'y a pour le poète que deux choses, la matière et le vide, une substance et une condition d'existence. Il y ajoute un principe d'union, Eros. Il est vrai qu'il semble ensuite l'oublier; mais le seul fait de l'avoir nommé ainsi au début est de la plus haute importance : Eros, antérieur à toutes les géné- rations divines, les domine toutes ; il est la person- nification mythique d'une des grandes lois de la vie. Admettons, si Ton veut, que cette idée n'appartienne pas au poète, qu'il Tait re( ue toute faite et qu'il ne l'ail peut-clrc comprise qu'à demi; il n'en reste pas moins que nous trouvons là une trace incontestable d'une philosophie naissante, dont il a subi Tinfluence à quelque degré. Une clarté se montre à nous et

��1. Sur la leudance pliilosopliique de la Théogonie^ des opinions fort diverses ont été exprimées. Voir notamment Schœmann. Opiisc. II, p. 464 et suiv., Flach, System der hesiodischen Kosmogonie^ p. 8, J. Girard, ouv. citcj p. 53 et suiv.

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