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LA LANGUE GRECQUE

comme la considèrent les linguistes. Il ne s’agit pas pour nous de l’étudier curieusement dans son origine, dans les détails de sa formation, ni dans les particularités infinies de sa structure. Nous l’envisageons toute formée, dans ses caractères les plus généraux, sans attacher grande importance à ses variations, et nous cherchons à nous rendre compte de ce qui la distingue plus ou moins essentiellement des autres langues littéraires de même famille.

Dès les premiers temps de la littérature, la langue grecque a été finement et musicalement accentuée. Dans toutes les langues modernes de l’Europe, y compris le néo-grec, l’accentuation consiste essentiellement en un renforcement de la voix sur une des syllabes de chaque mot. Par une conséquence qui nous semble aujourd’hui nécessaire, la syllabe accentuée s’allonge. Il n’en était pas de même dans le grec ancien. L’accent y était surtout mélodique. Il avait pour effet principal de faire prononcer la voyelle accentuée sur un ton plus aigu. Entre cette voyelle et les autres, l’intervalle, selon Denys d’Halicarnasse, était d’une quinte[1]. Que l’élévation de la note sur la syllabe accentuée ait eu peu à peu pour conséquence de faire prononcer cette syllabe avec plus de force et de l’allonger, c’est ce qui résulte clairement de l’histoire même de l’accent grec, devenu, dès les premiers siècles de notre ère, à peu près semblable à ce qu’il est aujourd’hui dans le néo-

  1. Denys d’Halic., de Compos. verbor., 11 : Διαλέκτοιυ μὲν οὖν μέλος ἑνὶ μετρεῖται διαστήματι τῷ λεγομένῳ διὰ πέντε, ὡς ἔγγιστα. Lire tout le passage qui est fort curieux. On y voit notamment que les syllabes frappées de l’accent circonflexe étaient à la fois aiguës et graves, c’est-à-dire que la voix, en les prononçant, passait rapidement d’un ton élevé à un ton plus bas. L’effet devait être celui d’une véritable modulation musicale, d’une sorte de chant atténué.