Page:Déjacque - L’Humanisphère, utopie anarchique.djvu/142

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dire, faisait sa police soi-même. Et bien ! y eut-il jamais plus d’ordre que dans ce désordre ? Qui fut foulé ? personne. Pas un encombrement n’eut lieu. C’était à qui se protégerait l’un l’autre. La multitude s’écoulait compacte par les boulevards et par les rues aussi naturellement que le sang d’un homme en bonne santé circule en ses artères. Chez l’homme, c’est la maladie, qui produit l’engorgement : chez les multitudes, c’est la police et la force armée : la maladie alors porte le nom d’autorité. L’anarchie est l’état de santé des multitudes.

Autre exemple :

C’était en 1841, je crois, — à bord d’une frégate de guerre. Les officiers et le commandant lui-même, chaque fois qu’ils présidaient à la manœuvre, juraient et tempêtaient après les matelots ; et plus ils juraient, plus ils tempêtaient, plus la manœuvre s’exécutait mal. Il y avait à bord un officier qui faisait exception à la règle. Lorsqu’il était de quart, il ne disait pas quatre paroles et ne parlait toujours qu’avec une douceur toute féminine. Jamais manœuvre ne fut mieux et plus rapidement exécutée que sous ses ordres. S’agissait-il de prendre un ris aux huniers, c’était fait en un clin d’œil ; et sitôt le ris pris, sitôt les huniers hissés ; les poulies en fumaient. Une fée