Page:Déjacque - L’Humanisphère, utopie anarchique.djvu/141

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ignorantes, d’hommes à peine dégrossis par le rabot de l’éducation sociale, et capables, dans la vie privée et comme chefs de familles, de bien des brutalités envers leurs femmes et leurs enfants. Voyez-les, alors, au milieu de l’insurrection publique et en leur qualité d’hommes momentanément libres. Leur brutalité a été transformée comme par enchantement en douce courtoisie. Qu’une femme vienne à passer, et ils n’auront pour elle que des paroles décentes et polies. C’est avec un empressement tout fraternel qu’ils l’aideront à franchir ce rempart de pavés. Eux qui, le dimanche, à la promenade, auraient rougi de porter leur enfant et en auraient laissé tout le fardeau à la mère, c’est avec le sourire de la satisfaction sur les lèvres qu’ils prendront dans leurs bras un enfant d’inconnue pour lui faire traverser la barricade. C’est une métamorphose instantanée. Dans l’homme du jour vous ne reconnaîtrez pas l’homme de la veille. — Laissez réédifier l’Autorité, et l’homme du lendemain sera bientôt redevenu l’homme de la veille !

Qu’on se rappelle encore le jour de la distribution des drapeaux, après février 48 : il n’y avait dans la foule, plus grande qu’elle ne le fut jamais à aucune fête, ni gendarmes, ni agents de la force publique ; aucune autorité ne protégeait la circulation ; chacun, pour ainsi