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SUR CHRISTINE

des choses même qu’on ne peut savoir, eut quelque prévention pour une science frivole, à laquelle de fort grands hommes s’étaient appliqués, et qui avait occupé te célèbre Cassiui dans sa jeunesse. Christine au moins témoigna quelque discernement et quelque connaissance des affaires de ce monde, lorsqu elle dit que l’astrologie terrestre lui paraissait encore plus sure que la céleste pour juger des événemens ; que l’astrologie est comme la médecine, qu’il faut étudier pour n’être point dupe.

Cette princesse, comme reine, comme catholique, et comme enthousiaste des grandes actions, écrivit en 1683 une lettre au roi de Pologne, Jenn Sobieski, qui en délivrant Vienne assiégée par les Turcs, et abfindonnée par Léopold, venait de servir et d’humilier l’empereur. Christine dans sa lettre fait entendre à Sobieski le reproche dont on le chargeait, d’avoir un peu trop tourné à son profit les dépouilles de la guerre : Je n’envie point, lui dit-elle, à V. M. tant de trésors, je ne lui envie que le titre glorieux de libérateur de la chrétienté ; et quoique sans rojaume, je n’en suis pas dispensée de l’obligation que doivent vous avoir tous les monarques.

Louis XIV qui, en humiliant le pape d’une main, songeait à écraser de l’autre le calvinisme dans ses États, donna en 1685 le fameux édit qui révoquait celui de Nantes. Christine écrivit à cette occasion au chevalier de Terlon, nnbassadeur de France en Suède, une lettre que Bayle inséra dans son journal. Elle y déplorait le sort des calvinistes persécutés, avec un intérêt et un air de bonne foi, qui firent dire à ce fameux écrivain, que la lettre de la reine était un reste de protestantisme. Mais ce reste de protestantisme était au moins fort équivoque ; il y a bien de l’apparence que les droits seuls de l’humanité arrachèrent la lettre à Christine. La persécution contre les réformés fut portée à un degré de violence qu’on ne doit point attribuer à Louis XIV ; elle fut l’effet funeste de l’animosité de ses ministres. Il en aurait eu horreur s’il en avait été témoin. Je n’entre point ici dans la question, si le roi devait souffrir le calvinisme dans ses États ; si deux puissantes religions, rivales l’une de l’autre, sont plus dangereuses à un royaume, que ne le serait l’extirpation de l’une des deux ; si dans l’état oii étaient les choses il n’eût pas mieux valu employer la douceur que la force ouverte, et faire paisiblement et peu à peu des prosélytes au catholicisme à force de bienfaits, que des martyrs au calvinisme. De tels problèmes de politi([ue et de religion demanderaient une autre plume que la mienne, et un autre écrit que celui-ci. Mais au moins tout le monde convient aujourd’hui que cette persécution fut d’une cruauté qui révolte également la religion et la justice ; en applaudissant à la