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DU PRÉSIDENT ROSE.

près du roi, par un mouvement de zèle, les vues lîLérales du ministre. L’Académie s’y opposa ; elle pensa, dit encore Charles Perrault, que cette rétribution, devenue plus forte, pourrait être regardée comme une espèce de bénéfice, que les grands de la cour feraient avoir à leurs aumôniers, aux précepteurs de leurs enfans, et même à leurs valets-de-chambre ; et l’Académie, comme bien d’autres républiques plus considérables, se serait perdue par les richesses. Egalité, désintéressement, liberté, ces trois mots sont écrits dans le cœur de tous les gens de lettres qui la composent, et de tous ceux qui sont dignes d’y aspirer. Ce sont ces sentiniens si nobles que Fontenelle exprimait dans une harangue qu’il fit à un ministre des finances, à la tête de la compagnie : Vous ne recevrez point, lui dit-il, de comjjWnens plus désintéressés que celui de l’Académie Française ; s’il nous arrive de demander des grâces, nous Tien demandons que de si légères et de si anciennes, que nous ne courons presque pas le risque cCun refus. Utile avertissement pour nous de n’eu jamais désirer de plus grandes.

Le président Rose, qui avait rendu à l’Académie le service important dont nous avons parlé, en reçut de la compagnie même la récompense la plus flatteuse. Elle le nomma le 12 décembre 1675 à la place de Conrart, qui en était, comme lui, un des bienfaiteurs, puisque sa maison en avait été le berceau. Cependant l’Académie, en adoptant le président Pvose, ne fit pas seulement un acte de reconnaissance : elle fit encore un bon choix, et notre académicien le prouva par l’éloquence et la dignité avec laquelle il harangua plusieurs fois le roi à la tête de la compagnie. Il était bien juste qu’elle eut souvent la satisfaction de voir cet honneur déféré par le sort à celui qui l’avait obtenu pour elle.

Habitant de la cour, le président Rose devait en connaître l’esprit et le style. On l’a pourtant accusé, à la vérité sans aucune preuve, d’avoir écrit au nom du roi, comme secrétaire du cabinet, une lettre peu convenable. Elle était adressée au duc de La Rochefoucauld, que le roi avait fait grand-maître de sa garde-robe. Je me réjouis comme votre ami, lui disait le roi, du présent que je vous ai fait comme votre maître. Des personnes qui avaient approché Louis XIV, et que nous avons connues, nous ont paru persuadées qu’il avait lui-même dicté cette lettre. Il croyait sans doute compenser avec usure par la qualité di’ami, qu’il voulait bien prendre avec un sujet grand seigneur, celle de nmître, dont il le faisait souvenir ; et les courtisans de ce prince étaient d’ailleurs pénétrés pour lui d’un sentiment de vénération si profonde, que de pareilles exprès-