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DE CLERMONT-TONNERRE.

dites, répondit-il, de trcs-courtes promenades, et des soupers aussi longs pour vous qu’il vous plaira, mais non pas pour moi ; car j’ai encore plus d argent que de temps à perdre.

D’après ces traits, dont assurément aucun n’a pu partir d’un homme sans esprit, peut-on se persuader que M. de Clermont-Tonnerre en ait été dépourvu, au point de dicter lui-même à son secrétaire, comme on l’a prétendu, les deux mémoires pour servir à son éloge ^ que des compilateurs ont publiés près de cinquante ans après sa mort ; mémoires qui contiennent des louanges, qiie l’amour-propre le plus exalté oserait à peine se donner en secret, et que l’orgueil le plus stupide n’oserait se donner hautement ? Nous n’entrerons point ici dans le détail de ces deux mémoires (3), dont le second surtout est une espèce d’hymne ou de cantique, aussi étrange pour le fond que pour la forme ^ et semblable aax litanies de quelque Saint, ou à la prose d’une messe solennelle. Quant au premier mémoire, car il n’est pas possible d’ajouter la moindre foi au second, il n’est point de lecteur sensé qui n’y démêle ce que l’évéque de Noyoïi peut avoir en effet dicté innocemment, et ce que la trahison de son secrétaire peut y avoir ajouté. Dépouillés de ce vernis de malice, digne amusement, ou petite vengeance d’un subalterne les faits que le premier mémoire contient peuvent réellement servir à l’éloge de l’évéque de Noyon, et faire connaître le bien réel dont son diocèse lui est redevable. Ce bien consistait en d’abondantes aumônes, en d’utiles établissemens pour les pauvres, en d’excellentes écoles fondées pour l’instruction des jeunes ecclésiastiques ; tous ces actes respectables de charité et de vio^ilance épiscopale, assurent à la mémoire du prélat une estime que sa vanité réelle ou prétendue ne saurait lui faire perdre.

On peut être surpris que M. de Clermont Tonnerre, occupé comme il l’était de tout faire fleurir dans sa ville épiscopale, et plein d’enthousiasme pour l’éloquence, dont on l’accusait de se croire le modèle, n’ait pas imaginé, comme tant d’autres lui en donnaient l’exemple, de fonder dans cette ville une académie. Quelqu’un de ses détracteurs a dit que, s’il avait eu celte idée il aurait sans doute suivi les traces d’un amateur distingué par sa naissance, qui, vers le milieu du siècle passé, établit dans une de nos provinces une société littéraire, dont le princij)al règlement était de n’admettre pour membres que desgenlihhom.7 ?  ? es(A). Nous répondrons à cette éjjigramme, que M. l’éxêque de Noyon eut été détourné d’un pareil projet, par la juste crainte qu’une compagnie si honorablement instituée, n’eût à montrer plus d’écussons que d’ouvrages. Aussi cette académie provinciaie si bien fournie de gentilshommes, et qui avait pris le titre de fille

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