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APOLOGIE

lières. Les figures les plus hardies elles mieux marquées, celles que les plus grands orateurs n’emploient qu’en tremblant, vous les répandez avec profusion, vous les faites passer dans des pays qui jusqu’ici leur étaient inconnus. Les ordonnances et les instructions pastorales, destinées au seul gouvernement des âmes, au lieu d’une simplicité négligée quVUes avaient avant vous, sont devenues chez vous des chefs-d’œure de l’esprit humain. Pendant que l’Église voit avec édification dans vos sages réglemensla vérité de sa doctrine, la pureté de sa morale, fintégrité de sa discipline, l’autorité de sa hiérarchie, établie, soutenue, et conservée dans le diocèse de Noyon depuis l’iieureux temps de votre épiscopat ; nous y voyons encore les justes allusions, les allégories soutenues, et partout une méthode qu’on ne voit point ailleurs, et sans laquelle ou suivrait difficilement des idées aussi magnifiques que les vôtres. La véritable éloquence doit convenir à la personne de l’orateur. La vôtre ne laisse pas ignorer d’où vous venez et ce que vous êtes. Si votre style est noble, il est encore pkis épiscopal : partout il montre d’heureuses applications de rÉcriture, de doctes citations des Pères. Vous ies possédez tous j et s’il y en a quelqu’un qui se présente à vous plus ordinairement que les autres, c’est par la sympathie des imaginations sublimes, que la nature n’accorde qu’à ses favoris. Que de puissans motifs à l’Académie pour vous choisir ! et que) bonheur pour elle de pouvoir, en vous associant, satisfaire en même temps à la justice, à son inclination, et à la volonté de son auguste protecteur ! Il sait mieux que personne ce que vous valez 5 il vous connaît à fond, il aime à vous entretenir ; et lorsqu’il vous a parlé, une joie se répand sur son visage, dont tout le monde s’aperçoit. Il a souhaité que vous fussiez de cette compagnie, et nous avons répondu à ses désirs par un consentement unanime. Après l’éloquent panégyrique que vous venez de faire de ce grand prince, je n’obscurcirai point par de faibles traits les idées grandes et lumineuses que vous en avez tracées. Je dirai seulen^ent que, pendant qu’il soutient seul le droit des rois et de la religion, il veut bien encore être attentif à la perte que nous avons faite, et la réparer dignement, en nous donnant un sujet auquel sans lui nous n’aurions jamais osé penser. C’est à vous, monsieur, à joindre vos efforts aux nôtres, pour lui en témoigner notre profonde reconnaissance. »

(3) Ces deux mémoires ont été imprimés en 174^, dans un recueil, connu sous le nom de Recueil A, qui est devenu assez rare. Les voici fidèlement copiés. On jugera, après les avoir lus, s’il est possible que l’évêque de Noyon, qui pouvait être orgueilleux et même vain, mais qui n’était pas imbécile, ait poussé la sottise de 1^ vanité jusqu’à faire un tel panégyrique de sa personne.