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DU CARDINAL DUBOIS

l’abbé Dubois y parlait avec beaucoup d’éloges de M. le maréchal de Luxembourg. C’était bien faire sa cour au maréchal, qui lui en marqua sa reconnaissance d’une façon singulière.

Ou vint dire un jour au roi que l’abbé Pélisson était mort sans confession : le maréchal, qui était présent, dit à ce prince : Sire, je sais quelqu’un qui a l’honneur d’être connu de votre majesté, et qui sûrement mourra de même ; le roi lui demanda qui c’était : Sire, lui répondit le maréchal, c’est l’abbé Dubois, qui s’expose sans aucune réserve ; car le jour de l’affaire de Steinkerque, je le trouvais partout.

Au siège de Namur, le roi, à son souper, demanda ce qui venait de se passer à la tranchée. L’abbé Dubois, qui était présent, prit la liberté de lui en rendre compte ; il venait d’en être informé par le chevalier Renau, officier de marine, qui avait demandé au roi à servir sous M. de Vauban, pour se mettre au fait de la guerre. Est-ce que vous avez été à la tranchée, dit le roi à l’abbé Dubois ? Non, sire, lui répondit l’abbé ; j’aurais craint d’en revenir avec un ridicule de plus et un bras de moinsPourquoi un ridicule, répondit le roi ? le P. La Chaise y a bien été. L’abbé Dubois se tourna du côté de M. le duc de Chartres, et dit tout haut : Sa majesté veut s’excuser d’y avoir été elle-même.

Quand son altesse royale alla prendre congé du roi au camp, l’abbé Dubois l’y accompagna : Bon voyage, M. l’abbé, lui dit le roi ; et se souvenant de la conversation sur le siège de Namur : Je suis convaincu, ajouta-t-il, que vous remplirez bien vos devoirs, non pas en brave, mais en sage, et c’est ce que j’attends de vous.

Après la sanglante bataille de Steinkerque, M. le duc de Chartres, par le conseil de l’abbé Dubois, qui voidait acquérir à ce prince tous les cœurs, envoya ses équipages pour enlever du champ de bataille les blessés de notre armée dont on pouvait espérer la guérison ; le lendemain, il envoya ces mêmes équipages pour enlever les blessés des ennemis. L’abbé Dubois fut à la tête ; il vint rendre compte à son altesse royale, et lui dit qu’en voyant sortir ces corps tout nus du bois où ils étaient, il lui avait semblé être au jour de la résurrection.

Il faisait en partie les honneurs de la table de son altesse royale, dans ses premières campagnes, et avait grand soin d’y attirer les officiers-généraux qu’on estimait le plus. Il les attaquait de conversation l’un après l’autre, et tirait d’eux, par ses différentes questions, avec un tour d’esprit toujours fort leste, ce qu’ils savaient de plus particulier des différentes actions où ils s’étaient trouvés, surtout il s’informait des circonstances qui avaient donné