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ARTICLE

lieu au gain ou à la perle des batailles, et en général aux bons ou aux mauvais succès.

Lorsque M. le duc de Chartres, devenu duc d’Orléans, eut, en 1715, le commandement de l’armée d’Italie, l’abbé Dubois l’ayant appris dans une de ses abbayes, où il était, prit sur-le-champ la poste, et se rendit auprès de son altesse royale, pour lui offrir ses services. On l’avait desservi dans l’esprit du prince, qui avait disposé de son secrétariat en faveur de M. de Longepierre. Toute la prudence et toute la dextérité de l’abbé Dubois échoua, dans les mouvemens qu’il se donna pour supplanter son concurrent ; il ne se rebuta point, et prit le parti de suivre le prince, au risque de tout ce qui en pourrait arriver. Il renouvela sa brigue en Italie ; un mois après, M. de Longepierre fut fait aide-de-camp du prince, et le secrétariat fut rendu à l’abbé Dubois.

Madame de Maintenon fut chargée par le roi d’engager l’abbé Dubois à disposer l’esprit de M. le duc de Chartres sur son mariage avec mademoiselle de Blois ; l’abbé fit un peu durer la négociation, afin d’en tirer un meilleur parti pour lui. Madame de Maintenon trouva à propos que le roi lui parlât lui-même ; c’est ce que l’abbé attendait : dès ce moment, l’affaire alla plus vite, et M. le duc de Chartres fit ce qu’on voulut, quoique Madame n’oubliât rien pour l’en détourner. M. l’abbé, lui dit le roi, je suis fort content de vos services ; demandez-moi ce que vous imaginez qu’on puisse demander à quelqu’un qui est parfaitement content de nous. Sire, lui dit-il, puisque vous m’ordonnez de prendre cette liberté, j’ose demander à votre majesté une chose qui lui sera tres-facile. Et quoi ? dit le roi : Sire, ajouta-t-il, c’est de me faire cardinal. Le roi lui tourna le dos. Quelques jours après le P. La Chaise lui dit qu’il pouvait choisir parmi les abbayes de l’archevêque de Lyon, qui venait de mourir ; il demanda l’abbaye de Saint-Just, comme la plus proche de Paris.

Il ne suivit point M. le duc d’Orléans en Espagne ; la princesse des Ursins avait écrit pour empêcher qu’il n’y allât, dans la crainte où elle était qu’il ne voulût se mêler de trop de choses.

Toute la maison de M. le duc d’Orléans savait qu’il était dans la disgrâce de ce prince, qui avait absolument refusé de l’emmener avec lui dans son voyage. M. Doublet, secrétaire des commandemens, passant, le jour du départ de M. le duc d’Orléans, par une des cours du Palais-Royal, aperçut l’abbé Dubois à une fenêtre, et le menaça de voies de fait pour quelque sujet grave qu’il avait de s’en plaindre ; un des amis de l’abbé passant un moment après, l’abbé l’appela, lui fit part de l’affront qu’il venait de recevoir, et le conjura de faire en sorte qu’il pût sa-