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NOTES SUR L’ARTICLE

et toujours mal redits ; en un mot, il joua à peu près, devnut le monarque et à la tête du clergé de France, mais sans se déconcerter, la scène que dans la comédie des Plaideurs, un des avocats joue avec celui qui lui souffle sa harangue ; las enfin tk ce dialogue entre son souffleur et lui, il s’arrêta tout à coup, et se tourna vers ce maladroit ou malheureux souffleur : Si nous continuons de la sorte, lui dit-il, ni vous ni moi ne nous en tirerons en cent ans ; puis se retournant vers le roi, il lui fit impromptu, et pour ainsi dire brusquement, la harangue très-laconique et très-française que nous avons rapportée.

(6) Dans la Description de Paris, par Piganiol de La Force, l’épitaphe du cardinal Dubois est attribuée à l’abbé Couture, de l’Académie des Belles-Lettres, et professeur d’éloquence au collége royal. Il se peut que l’abbé Couture l’ait mise en latin ; mais nous savons de Fontenelle lui-même qu’il en avait fourni l’idée, et c’est assez pour le regarder comme l’auteur de l’épitaphe. L’idée une fois donnée, le premier prêtre de paroisse l’eût exécutée comme l’abbé Couture.

Le beau vers que nous avons rapporté, et qui se trouvait placé au milieu d’un grand nombre d’épitaphes,

Tous ces morts ont vécu ; toi qui vis, tu mourras,

se lisait autrefois dans le cimetière d’une église de Paris ; il ne fallait effacer que le second vers, faible et commun en comparaison du premier :

L’instant fatal approche, et tu n’y penses pas.

Notre cardinal, archevêque et ministre, mourut le 10 août 1723, à peu près comme François Ier, d’une maladie invétérée, causée par quelques égaremens très-excusables de sa première jeunesse, et que tout l’art de la médecine n’avait pu guérir. Quelque empressé qu’il fût, au moins nous devons le présumer, de satisfaire, dans ses derniers momcns, aux devoirs que la religion impose, il se crut obligé, comme prince de l’église, de les concilier avec ce qu’il devait à cette dignité. Il prétendit qu’il y avait un cérémonial particulier pour donner le viatique à un cardinal. Cette étiquette, qu’il jugeait si importante, exigea des informations que la mort n’attendit pas ; et par ce scrupule, un peu déplacé dans une occasion si urgente, le cardinal fut privé, à ses derniers momens, des prières et des secours de l’Église, qu’il aurait sans doute reçus avec l’édification dont il devait l’exemple.

On assure que le pape Léon X mourut comme le cardinal Dubois sans sacremens, et de plus avec l’intention de ne les point recevoir. Les protestans qui se souvenaient de l’histoire des indulgences vendues par les jacobins au préjudice des augustins, et devenues l’origine du luthéranisme, lirent à ce sujet une épigramme très-connue, dont le sens était, que le pontife ayant vendu les sacremens, n’avait pu les prendre.

Sacra sub extremd si fortè requiritis horâ,
     Cur Léo non potuit sumere ? Vendiderat.