Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, III.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
21
DU CARDINAL DUBOIS

(7) La place d’honoraire que le cardinal Dubois avait eue dans l’Académie des Sciences et dans celle des Belles-Lettres, était une suite de l’usage où l’on est, dans ces deux compagnies, d’y donner entrée à la plupart des ministres, usage au fond plus raisonnable que des censeurs amers ne pourraient le penser ; car des sociétés savantes qui se sont soumises à recevoir des honoraires, doivent au moins choisir des honoraires utiles, ou par les lumièies qu’ils peuvent quelquefois y porter, comme le maïquis de L’Hôpital, le maréchal de Vauban, Turgot, et quelques autres, ou du moins par les secours matériels dont ils peuvent accélérer le progrès des sciences et des lettres ; et c’est un bien que les hommes en place sont plus que d’autres à portée de leur faire. Le cardinal Dubois, qui se piquait peu de savoir, n’a pu être utile de la première manière à ces deux compagnies ; nous ignorons s’il l’a été de la seconde : il est sûr au moins qu’elles ne s’en sont guère souvenues, car on ne trouve point son éloge dans leur histoire.

Nous avons remarqué qu’un seul homme de lettres, Fontenelle, appartenait, comme le cardinal Dubois, à toutes les Académies de la capitale, honneur dont Fontenelle était bien digne[1]. Nous disons un seul homme de lettres ; car nous ne rechercherons pas si ces lauriers académiques ont été accumulés sur d’autres têtes que sur celles qui sont réellement faites pour les recevoir. Ces titres multipliés d’académicien, qui étaient pour Fontenelle une décoration vraiment flatteuse, en seraient une bien futile pour des hommes en place méprisés ou médiocres ; ridicule même s’ils avaient mis une ambition puérile à la rechercher, en croyant par cette vaine distinction ajouter quelque chose à leur existence.

Nous sommes très-éloignés de faire une application injuste et indécente de ces réflexions, h. quelques personnes distinguées par leur rang, qui ont été membres des trois académies. Nous ne pai’lons ici qu’en géuélal de ceux qui aspireraient à cette distinction sans la mériter ; mais nous nous faisons un devoir et un plaisir d’avouer ici que plusieurs de ceux qui l’ont obtenue en étaient très-susceptibles.

(8) Fontenelle, qui frustra les mânes du cardinal Dubois de l’éloge académique qu’il leur devait, s’était permis quelquefois le même silence sur d’autres académiciens ; par exemple, sur le fameux Law, que sa qualité de contrôleur-général avait aussi fait honoraire de l’Académie des Sciences, et dont la fortune aurait pu fournir au secrétaire philoso, ; he un objet intéressant de réflexions ; mais les mêmes raisons qui lui avaient fermé la bouche sur le cardinal Dubois, la lui fermèrent sans doute sur l’ex-ministre écossais.

Il s’était aussi dispensé de l’éloge du P. Gouye, jésuite, et membre honoraire de l’Académie des Sciences, qui avait néanmoins rendu, par son crédit, quelques services à cette compagnie, mais dont la mémoire n’y était rien moins que révérée, parce qu’il y avait voulu porter l’esprit

  1. M. Bailly a obtenu de nos jours le même honneur, et la voix publique l’y avait appelé.