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NOTES SUR L’ELOGE DE MONGIN.

Mais ces sujets demanderaient à être traités par une luain tout à la fois sûre et délicate, dont la touche profonde et légère en même temps, sût concilier ce qu’on peut penser avec ce qu’on doit croire, et satisfaire à la fois les philosophes sévères et les théologiens éclairés.

ÉLOGE DE BERNOULLI[1].

Bernoulli ne m’était connu que par ses ouvrages ; je leur dois presque entièrement le peu de progrès que j’ai fait en géométrie, et la reconnaissance exige de moi l’hommage que je vais rendre à sa mémoire. N’ayant eu avec lui aucune espèce de commerce, j’ignore les détails peu intéressans de sa vie privée. Je commence sa vie où commence sa réputation, et son histoire n’y perdra que peu d’années. Je dis son histoire, car je la promets encore plus que son éloge ; on ne peint point les hommes quand on les peint sans faiblesse ; ôter au vrai mérite quelques taches légères, c’est peut-être lui faire tort, et c’est sûrement en faire à la vérité. Ainsi dans l’abrégé que je vais donner de la vie de Bernoulli, c’est-à-dire de ses travaux, l’homme illustre se fera souvent admirer, l’homme s’y montrera quelquefois.

Bernoulli annonça, dans une très-grande jeunesse, ce qu’il devait être un jour, par une dissertation sur l’effervescence et la fermentation, qu’il publia et qu’il soutint en forme de thèse. Bientôt après il se fit connaître aux géomètres, par le fameux problème de la chaînette, agité depuis long-temps parmi eux, et que le célèbre Galilée avait essayé de résoudre. Ce problème consiste à trouver la courbure que prend une chaîne considérée comme un fil parfaitement flexible, chargé d’une infinité de petits poids, et suspendu dans un plan vertical par ses deux extrémités. Bernoulli détermina cette courbe, et trouva qu’elle était du nombre de celles que les géomètres ont nommées courbes mécaniques, c’est-à-dire, qui ne peuvent être représentées par une équation finie. Il démontra, peu de temps après, que la courbure d’une voile enflée par le vent était la même que celle de la chaînette, et résolut ainsi deux problèmes très-difficiles au lieu d’un.

  1. Professeur de mathématiques à Bâle, et membre des Académies royales des sciences de France, d’Angleterre, de Prusse, de Russie, etc., né le 7 aoûl 1667, mort le 1er janvier 1748.