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ÉLOGE DE BERNOULLI.

La flexion de la chaîne et de la voile en chaque point dépend de la position de chaque petit côté de la courbe : il fallait donc trouver une équation ou formule qui déterminât cette position. La géométrie des infinimens petits, peu connue alors, était seule capable d’y atteindre ; mais un instrument si nécessaire eût encore été inutile au grand nombre ; il demandait une main habile pour être employé avec succès ; et d’ailleurs Bernoulli ne devait en quelque sorte qu’à lui-même l’avantage de le posséder ; car il avait trop contribué par ses travaux à perfectionner cette géométrie naissante, pour n’être pas mis au nombre de ceux qui l’avaient créée.

Peu de temps après, il résolut un autre problème, dont il avoue qu’il avait été occupé pendant cinq ans ; c’est celui du plus court crépuscule. On sait que le crépuscule, quelle qu’en soit la cause, commence le matin et finit le soir, quand le soleil est à 18 degrés au-dessous de l’horizon, c’est-à-dire, quand la portion du cercle vertical comprise entre l’horizon et le soleil caché au-dessus, est un arc de 18 degrés ; le crépuscule doit donc durer autant de temps que le soleil en met à descendre de 18 degrés au-dessus de l’horizon. Or cet astre ne décrit pas tous les jours le même cercle par rapport à nous, puisqu’il est tantôt plus près de notre zénith et tantôt plus loin. Il est donc chaque jour plus ou moins de temps à parcourir ces 18 degrés : la difficulté consiste à trouver le jour de l’année où ce temps est le plus petit qu’il est possible ; et Bernoulli donne pour cela une règle fort simple : mais il ne nous apprend ni le chemin qu’il a suivi pour la découvrir, ni les difficultés qui l’avaient arrêté si long-temps. Elles étaient vraisemblablement les mêmes que Maupertuis a su le premier apercevoir et résoudre dans son Astronomie nautique.

Bernoulli publia vers le même temps une espèce de thèse sur la logique, que nous croyons pouvoir proposer comme un modèle des ouvrages de cette espèce. La logique n’y paraît point sous la forme barbare dont les philosophes de l’école l’avaient défigurée. Elle est réduite à ce qu’elle a de nécessaire, c’est-à-dire, à peu de préceptes, et la plupart sont appuyés par des exemples tirés de la géométrie. On peut en effet regarder cette dernière science comme une logique pratique, parce que les vérités dont elle s’occupe, étant les plus simples et les plus sensibles de toutes, sont par cette raison les plus susceptibles d’une application facile et palpable des règles du raisonnement.

Cette thèse fut suivie d’une dissertation sur le mouvement des muscles, que Bernoulli composa pour recevoir le doctorat en médecine ; car il étudiait aussi cette dernière science, et ses