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DE BERNOULLI.

Leibnitz l’avait soutenu comme favorable à ses idées sur le système des causes finales. On appelle ainsi cette partie de la physique, ou plutôt de la métaphysique (ou peut-être ni de l’une ni de l’autre), qui a pour but de découvrir les lois de la nature par la fin que son auteur s’est proposé en établissant ces lois. Cette théorie est fondée sur les axiomes si vrais, mais si peu féconds et souvent si trompeurs, que rien ne se fait sans raison suffisante, que la nature agit toujours par les voies les plus simples, et sur quelques autres aussi certains et aussi inutiles. Le chancelier Bacon qui avait senti combien cette manière de philosopher était une voie stérile pour les découvertes, la comparait avec beaucoup de finesse et de vérité à une vierge consacrée à Dieu qui ne produit rien ; d’autres grands hommes n’ont pas été si sages, et quelques savans qui n’étaient pas de grands hommes, n’ont pas craint, même au prix des plus ridicules absurdités, d’introduire dans la géométrie les causes finales ; témoin le père Tacquet, jésuite, qui, trouvant quelques phénomènes de catoptrique en contradiction avec ce principe, que la nature prend toujours le plus court chemin, croit concilier les phénomènes et le principe, en disant que la nature prend le plus long, quand elle ne saurait prendre le plus court. Les partisans modernes des causes finales, plus circonspects et plus raisonnables, se contentent d’en faire l’application à quelques lois très-constatées d’ailleurs, et de la chercher dans d’autres, en se taisant sur le reste. Quoiqu’il en soit, et pour en revenir à la solution que donne Bernoulli du problème dont il s’agit, le principe métaphysique, en apparence, sur lequel cette solution est appuyée, peut n’être regardé, si l’on veut, que comme un principe purement géométrique, et la solution n’y perdra rien de son mérite.

En proposant aux géomètres le problème de la plus vite descente, Bernoulli leur avait donné un certain espace de temps pour le résoudre. Ce terme qu’il prolongea étant expiré, on ne vit paraître que quatre solutions. L’une, qui était de Nevrton, fut envoyée sans nom d’auteur ; et Bernoulli dit que c’était un ongle du lion qu’il était facile de reconnaître j les trois autres étaient de Jacques Bernoulli, frère aîné de celui dont nous parlons, de Leibnitz, et du marquis de L’Hôpital. Presque toutes les nations savantes donnèrent chacune un athlète, et peut-être un cinquième aurait-il été difficile à trouver.

Jacques Bernoulli avait donné à son frère les premières leçons de géométrie : il voyait son élève courir avec lui d’un pas égal la carrière dans laquelle il l’avait fait entrer ; et peut-être conservait-il un peu trop à son égard ce ton de supériorité dont il est difficile de se défaire, quand une fois on l’a pris, mais que