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ÉLOGE

qu’une autre petite portion de courbe terminée par les deux mêmes points infiniment proches. En effet, si cette dernière portion était parcourue en moins de temps que la première, et qu’on ôtât à la courbe la première portion qu’elle avait, pour lui donner l’autre, la courbe dans ce nouvel état serait parcourue en moins de temps que dans le premier état, et par conséquent elle ne serait pas dans son premier état la courbe de la plus vite descente ; ce qui est contre la supposition. Or la portion de courbe infiniment petite dont nous parlons, peut être regardée comme composée de deux petites lignes droites, dont chacune est parcourue avec une vitesse différente, mais uniquement dépendante de la hauteur d’oii le corps est supposé tomber. Il faut donc trouver la position que doivent avoir ces deux petites lignes pour être parcourues dans le moins de temps qu’il est possible ; l’équation différentielle qui détermine cette position est celle de la cycloïde, et on y parvient assez facilement.

Mais Bernoulli fit plus que résoudre le problème de la plus vite descente ; il prouva qu’il était analogue à un autre non moins difficile ; c’est la décharge de la courbe qui décrit un corpuscule de lumière, en traversant un milieu dont les couches sont d’une densité variable. On sait qu’un rayon qui passe obliquement d’un milieu dans un autre, ne continue pas son chemin dans la même ligne droite, suivant laquelle il entre, mais qu’il s’en détourne d’autant plus que la densité du nouveau milieu diffère plus de celle du milieu d’où il sort. Si donc un rayon de lumière traverse un fluide composé d’une infinité de couches, chacune d’une densité différente, il doit à chaque instant s’écarter un peu de sa direction, et par conséquent décrire une courbe. C’est ce que font les rayons en pénétrant notre atmosphère, dont les couches élastiques se compriment les unes les autres par leurs poids, et sont par conséquent d’autant plus comprimées et d’autant plus denses, qu’elles sont plus proches de nous. Bernoulli prouva que supposant une certaine loi dans les densités de ses couches, la courbe décrite par le rayon de lumière devait être une cycloïde, comme la courbe de la plus vite descente en était une.

Il faut remarquer pourtant que dans sa solution il admet un principe contesté par plusieurs grands géomètres et habiles physiciens, savoir qu’un corpuscule de lumière qui va d’un point à un autre placé dans un milieu différent, doit y aller dans le temps le plus court qu’il est possible. De Fermat avait le premier avancé ce principe, croyant ébranler par des raisons métaphysiques l’explication ingénieuse que Descartes avait donnée de la réfraction ; Huyghens l’avait ensuite adopté comme une conséquence de son hypothèse sur la propagation de la lumière ; enfin