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ÉLOGE

à accorder souvent de pareilles distinctions ; la mémoire d’un si grand homme méritait cet hommage de la part d’un corps ou il comptait des amis et des élèves illustres. Le recueil des œuvres de Bernoulli est dédié au monarque, protecteur de cette académie célèbre, et si elles méritaient de paraître sous les auspices d’un prince philosophe, osons dire à la gloire des lettres, et plus encore à celle du prince, qu’il était digne de voir son nom à la tête de cet immortel ouvrage.

ÉLOGE DE GIRARD[1].

Ce modeste académicien a si bien caché sa vie, que nous en ignorons presque toutes les circonstances. Deux ouvrages sur la langue française en sont à peu près tous les événemens.

Le premier[2] a pour titre : Synonymes français, leurs différentes significations, et le choix qu’il en faut faire pour parler avec justesse (1). On peut donner dans une langue le nom de synonjmes, ou à des mots qui ont absolument et rigoureusement le même sens, et qui peuvent, en toute occasion, être substitués indifféremment l’un à l’autre ; ou à des mots qui présentent la même idée avec de légères variétés qui la modifient, de manière qu’il soit permis d’employer l’un de ces mots à la place de l’autre, dans les occasions où l’on n’aura pas besoin de faire sentir ces légères variétés. Ce serait peut-être un défaut dans une langue, ce serait du moins une richesse très-pauvre, que d’abonder en synonymes du premier genre, en synonymes rigoureux ; mais ce serait une triste indigence que de manquer de synonymes de la seconde espèce, de synonymes approchés. Une langue dénuée de tels synonymes serait nécessairement pauvre et sans aucune finesse. En effet, ce qui constitue deux ou plusieurs mots synonymes, c’est d’abord un sens général qui est commun à ces mots ; et ce qui fait ensuite que ces mots ne sont pas toujours synonymes, ce sont des nuances, souvent délicates, et quelquefois presque imperceptibles, qui modifient ce sens primitif et général. Ainsi toutes les fois que par la nature du sujet qu’on traite, on n’a point à exprimer ces nuances, et qu’on n’a besoin que du sens général, chacun des synonymes peut être indifféremment mis

  1. Gabriel Girard, interprète du roi, reçu le 29 décembre 1744, à la place de Charles d’Orléans de Rothelin ; mort le 4 février 1748.
  2. La première édition est de 1718.