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DE BERNOULLI.

puis, mais qu’un philosophe pouvait se dispenser de traiter en vers, et un républicain de traiter en grec.

Il est rare que les hommes célèbres aient des enfans qui leur ressemblent. Le nôtre en a plusieurs d’un mérite distingué ; Nicolas Bernoulli, mort fort jeune à Pélersbourg, où le czar l’avait appelé, et où il était déjà l’un des principaux ornemens de l’académie naissante ; Jean Bernoulli aujourd’hui professeur d’éloquence à Bàle, qui a remporté plusieurs prix de l’Académie des sciences de Paris, et qui aurait été grand mathématicien, s’il n’eût mieux aimé être orateur ; enfin, Daniel Bernoulli l’aîné et le plus illustre de tous, qui soutient par ses ouvrages le nom de son père. Ses talens sublimes et connus depuis long-temps brillent surtout dans son Hydrodjnamique, où il a le premier appliqué au mouvement des fluides le principe de la conservation des forces vives, et détermine les lois de ce mouvement par des méthodes sûres et non arbitraires. Il a partagé avec son père le prix de l’Académie en 1734, et s’est montré digne de lui en l’égalant ; depuis plusieurs années ce prix est pour Daniel Bernoulli une espèce de revenu ; fortune la plus flatteuse qu’un savant puisse retirer de son travail, puisqu’il ne la doit qu’à lui seul.

Maupertuis et Clairaut, célèbres géomètres français, ont fait l’un et l’autre le voyage de Bâle pour profiter des lumières de Bernoulli ; semblables à ces anciens Grecs qui allaient chercher les sciences en Égypte, et revenaient ensuite les répandre dans leur patrie avec leurs propres richesses. Enfin c’est à Bernoulli qu’on doit Euler, dont le nom retentit aujourd’hui dans toute l’Europe, et à juste titre ; la reconnaissance de ce grand géomètre pour son illustre maître égale la profondeur et la sagacité qu’on admire dans ses ouvrages.

On a publié en 1743, à Lausanne, le recueil de tous les écrits de Bernoulli : ce recueil précieux, fait avec un soin et une intelligence qui méritent la reconnaissance de tous les géomètres, est dû à l’un des plus célèbres disciples de l’auteur, Cramer, professeur de mathématiques à Genève, que l’étendue de ses connaissances dans la géométrie, dans la physique et dans les belles-lettres, rendait digne de toutes les sociétés savantes, et dont l’esprit philosophique et les qualités personnelles relevaient encore les talens.

De toutes les académies qui avaient l’avantage de compter Bernoulli parmi leurs membres, aucune ne lui a rendu des honneurs plus marqués que l’Académie des sciences de Prusse. Cette compagnie chargea son secrétaire de lui faire un éloge public, quoique ce ne soit point l’usage de prononcer celui des académiciens étrangers. Elle n’a pas craint qu’un tel exemple l’engageât