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ÉLOGE

mettre que des discussions arides et ennuyeuses, est beaucoup plus agréable qu’où ne devrait s’y attendre. L’auteur a tempéré Ja sécheresse du sujet par la légèreté du style, par l’espèce de vie et d’intérêt qu’il donne à son récit, enfin par quelques traits et par quelques anecdotes qui y répandent du mouvement et de la variété. C’est peut-être le seul ouvrage de grammaire dont on puisse dire qu’il instruit et qu’il amuse tout à la fois ; et ce n’est pas un petit éloge dans un genre d’écrire où souvent le lecteur se trouve très-fatigué sans avoir rien appris.

La Vie de David, que l’abbé de Choisy avait présentée à Louis XIV, n’était proprement qu’un panégyrique du roi de France sous le ; « iom. du roi d’Israël. On imagine aisément tous les traits de ressemblance que l’auteur trouve entre les deux princes. L’écrivain courtisan ne s’en tint pas là ; il fit une vie de Salomon, qui lui fournit encore un nouveau parallèle à la louange du roi, principalement lorsqu’il parle de la magnificence du monarque juif, de la richesse de ses maisons royales, de sa profonde sagesse, et de la majesté avec laquelle il donnait audience aux ambassadeurs des rois des Indes.

De l’histoire de David et de Salomon, l’abbé de Choisy passa à celle de Philippe de Valois et du roi Jean, qui ne ressemblaient guère l’un et l’autre à Salomon ni à David ; il écrivit ensuite la vie de Charles V, dit le Sage, le vrai Salomon de la France ; et enfin celle de Charles VI, époque bien remarquable, mais eu même temps bien afiligeante dans nos annales, époque qui ne doit qu’aux larmes de nos pères le triste droit qu’elle a de nous intéresser, et à laquelle, comme dit très-bien Voltaire, il faut renvover les honnêtes gens qui regrettent toujours les temps passés. Nous ne devons pas oublier, pour l’honneur de l’abbé de Choisy, un trait de franchise et presque de courage, qui lui échappa pendant qu’il travaillait à la vie de cet infortuné monarque. M. le duc de Bourgogne lui demanda un jour comment il ferait pour dire que Charles VI était fou : monseigneur, répondit-il sans hésiter, je dirai qu’il était fou[1]. Le petit-fils de Louis XIV, tout élevé qu’il était par Fénélon, par Beauvilliers et par l’abbé Fleury, n’avait pu se persuader sans doute que l’historien d’un roi ne doit à sa mémoire que la vérité, tant les funestes impressions que les princes ont le malheur de recevoir dès le berceau, résistent aux leçons des plus vertueux instituteurs. L’abbé de Choisy, tout glorieux de sa réponse, aimait à la raconter comme le plus beau trait de sa vie. Il la rapprochait avec complaisance de celle du caustique Mézerai à Louis XIV, qui lui demandait pourquoi il avait fait de Louis XI un tyran ; Pourquoi l’était-il ? répondit l’historien.

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