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NOTES SUR L’ÉLOGE

gnol, tomba évanouie entre les bras de la reine de Navarre qui l’accompagnait.

(12) Cette histoire se ressent beaucoup de l’habit sous lequel l’auteur l’a composée, car ces ajustemens de femme, qu’il n’osait plus porter dans le monde, par la juste crainte d’y causer trop de scandale, il ne pouvait se résoudre à s’en priver quand il était seul, ne songeant pas assez qu’il lui restait dans cette solitude même un témoin plus redoutable que les hommes. Peut-être suffirait-il, pour apprécier la valeur de ces annales ecclésiastiques, de se représenter un moment ce prêtre septuagénaire, sous un habit si peu fait pour son âge et pour son état, travaillant à l’histoire des martyrs et des anachorètes, et se mettant des ajustemens profanes de la même main dont il écrivait les décisions des conciles. Aussi, interrompant quelquefois son travail pour jeter un moment de tristes regards sur lui-même, il s’écriait avec la sincérité la plus naïve : Quel peintre pour les Antoine et les Pacômes, pour les Augustins et les Athanase !

L’abbé Fleury qui, comme nous l’avons dit dans son éloge, avait mis trente ans à composer son Histoire ecclésiastique, en avait donné les derniers volumes à peu près dans le même temps que l’abbé de Choisy fit paraître la sienne. Il était bien difficile que la frivolité française se refusât le jeu de mots que lui offraient les noms de Choisy et de Fleury sur ces deux histoires, l’une si légère et l’autre si grave. On disait donc que l’abbé Fleury était choisi dans son ouvrage, et que l’abbé de Choisy était fleuri dans le sien. Mais l’ouvrage superficiel et frivole n’effara pas en cette occasion l’ouvrage exact et utile ; et l’historien véridique, quoique bien moins philosophe dans son histoire que dans ses discours, fut préféré par le public à l’historien qui n’était qu’agréable et nullement philosophe.

L’abbé de Choisy a imprimé que c’était par le conseil de Bossuet qu’il avait entrepris d’écrire l’Histoire ecclésiastique. Il paraît difficile à croire que Bossuet lui ait donné ce conseil, dans un temps où l’on avait déjà celle de Tillemont, et où Fleury écrivait la sienne. Peut-être l’évêque de Meaux, en conseillant à l’abbé de Choisy d’écrire cette histoire, n’avait-il d’autre objet que de l’engager à l’apprendre.

ÉLOGE DE ROQUETTE[1]

Il avait pour oncle un autre abbé de Roquette, évéque d’Autun, cjui, par son zèle de commande et sa dévotion politique,

1. Henri-Emmanuel de Roquette, docteur de Sorbonne, abbé de Saint-Gildas de Ruis, reçu à la place d’Eusèbe Renaudot, le 12 décembre 1720 ; mort le 5 mars 1725.

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