Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que chaque jour voyait éclore dans la capitale de la révolution, étaient aussitôt répétées dans le camp des émigrés. On commençait par mettre des paroles royalistes sur les airs des jacobins. C’est ainsi qu’il y eut successivement un Chant du départ, une Marseillaise, une Carmagnole des émigrés ; mais les couplets primitifs avaient plus de verve ; les premiers moments passés, on les chantait entre soi tout uniment, et sans changement ; on les apprenait aux officiers allemands tout ébahis de tant de liberté d’esprit. Mon père n’avait pas oublié une seule des folies de ce temps. Il avait retenu et pouvait chanter encore jusqu’au moindre refrain de ces bizarres chansons ; malheureusement, il a toujours eu l’horreur d’écrire.

Quand l’armée des Princes fut dissoute, mon père, redevenu libre, chercha a gagner Aix-la-Chapelle. MM. d’Aramon et du Tillet, ses amis, partirent avec lui. L’incursion que l’armée française commandée par M. de Custine faisait alors en Allemagne les obligea de remonter jusqu’au delà de Cassel et de se diriger ensuite sur Düsseldorf. Aix-la-Chapelle était en ce moment au pouvoir des troupes révolutionnaires. À Düsseldorf, mon père se rencontra avec beaucoup de ses connaissances parties de Paris après lui, et avec la masse des émigrés refoulés de toutes parts par la marche envahissante des armées françaises. Les petites villes d’Allemagne en étaient encombrées. C’était des