Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/45

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cheval appartenait à M. d’Aramon et la voiture à M. de Fitz-James. L’équipage n’avait pas trop mauvaise tournure. Ces messieurs étaient convenus qu’au besoin ils panseraient eux-mêmes le cheval et feraient tour à tour, s’il le fallait, le métier de domestique. Il était de plus arrêté qu’on le prendrait de très-haut avec celui qui se trouverait faire occasionnellement le service des autres et sa consigne était de faire alors le mystérieux sur la condition de ses maîtres. De là mille incidents qui divertirent beaucoup les jeunes voyageurs. Un jour, mon père et M. de Fitz-James, après avoir visité la ville d’Oxford et le parc de Blenheim, envoyèrent M. d’Aramon, dont c’était le tour de jouer les valets, demander pour ses maîtres la permission de visiter l’intérieur du château. À peine introduits, ces messieurs furent rejoints par une dame que le majordome leur dit avoir été autorisée à visiter comme eux les appartements. C’était la duchesse de Marlborough, curieuse de voir par elle-même quel effet les magnificences de son habitation allaient produire sur de pauvres émigrés. Le duc de Fitz-James et mon père la reconnurent parfaitement pour l’avoir maintes fois rencontrée dans les salons de Londres, mais ils se gardèrent bien d’en rien laisser voir. Afin de mieux les dérouter, la duchesse affectait de tout critiquer, de trouver les ameublements de mauvais goût et les tableaux médiocres. M. de Fitz-James et mon père évitaient de répondre ; ils admiraient