Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/54

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songeaient qu’à l’Empereur, ils s’informaient curieusement des détails intérieurs du palais, des petites nouvelles de la Cour. Ceux que la conduite des armées avait retenus au fond des camps, ou que dès services rendus au loin avaient longtemps séparés du maître, semblaient craindre, avant tout, de ne pas savoir faire bonne figure de courtisan. Volontiers ils auraient demandé des leçons à mon père. Bien peu apportaient à ces audiences un visage tranquille. Quand elles se prolongeaient et s’animaient un peu, les interlocuteurs de l’Empereur en sortaient le plus souvent très-émus, exaltés ou atterrés suivant le traitement qu’ils avaient reçu. Ceux qui n’avaient été admis que pendant un instant imperceptible n’en tarissaient pas moins en éloges. Ils ne pouvaient contenir leur admiration. L’expression de cet enthousiasme ne variait guère. « Si vous saviez tout ce que m’a dit l’Empereur ? Ah ! quel homme, quel génie ! » disaient vingt fois le jour à mon père des personnes qui n’avaient fait qu’ouvrir et refermer la porte de son cabinet. Cette admiration était d’ailleurs parfaitement sincère. Le dévouement passionné des généraux et des dignitaires de l’Empire pour la personne de l’Empereur était alors profond, quoique celui de quelques-uns ait failli depuis à l’épreuve. Ils l’aimaient réellement ; mon père en a eu mille preuves. Un jour la porte du cabinet était restée entre-bâillée à cause des jeux du petit Roi de Rome. De la salle d’attente,