Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/64

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l’Empereur, quoiqu’il affectât beaucoup de confiance, semblait avoir perdu toute tranquillité d’esprit. Il était agité et nerveux. Ses partisans, son entourage étaient évidemment inquiets. Mon père m’a raconté que, à la séance d’ouverture des chambres législatives, l’Empereur fit un léger faux pas en montant les marches du trône. Une des grandes croix qu’il portait sur sa poitrine tomba, et mon père la ramassa : « Pourquoi ne la remettez-vous pas à l’Empereur, » lui dit Rapp, qui était à côté de lui. — « Ne faisons pas remarquer cela, répondit mon père, des superstitieux pourraient en tirer mauvais augure. » — « Vous avez raison, répondit Rapp, et plût à Dieu qu’ils n’aient pas raison. » C’était beaucoup dire de la part de Rapp.

Après les revers de la campagne de 1814, quand l’impératrice Marie-Louise, régente de l’Empire, quitta la capitale menacée, mon père l’accompagna. MM. de Cussy, de Seyssel étaient de ce voyage, ainsi que M. de Beausset, préfet du palais, qui s’attribue dans ses mémoires un rôle principal qui ne fut pas tout à fait le sien. Cette retraite avait été désapprouvée par le public et par la maison entière de l’Impératrice. Le départ eut lieu de Paris le 29 mars au soir ; le 2 ou 3 avril, les princes Joseph, Louis et Jérôme, frères de l’Empereur, étaient venus rejoindre à Blois ces tristes restes d’une Cour déchue. Soit qu’ils eussent l’intention de se ménager une garantie du côté de l’Autriche en s’emparant de la