Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/67

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qu’elle ne lui fit sur le climat, sur les habitants, sur les ressources du pays. Elle ne paraissait pas admettre qu’elle pût avoir un autre séjour que celui de son époux, ni un autre avenir que le sien. Son langage n’était pas seulement convenable sur le compte de l’Empereur ; il était plutôt exalté. Il se modifia toutefois un peu après qu’elle eut reçu une lettre de l’empereur d’Autriche apportée par M. le comte de Sainte-Aulaire. Mon père est demeuré persuadé qu’elle était de bonne foi et ne songeait pas alors à séparer son sort de celui qu’elle a depuis si complétement oublié. Cependant, j’ai ouï raconter à M. le comte de Sainte-Aulaire une anecdote qui prouverait qu’elle n’éprouvait guère, même en ce moment, des sentiments qui fussent en rapport avec sa situation. Annoncé de grand matin, pendant qu’elle était encore couchée, M. de Sainte-Aulaire fut reçu par l’Impératrice à peine éveillée et assise sur le bord de son lit, tandis que ses pieds déchaussés sortaient de dessous les couvertures. Embarrassé de se trouver en présence d’une si grande infortune, car la lettre dont il était porteur apprenait à la fois l’acte de déchéance et la tentative d’empoisonnement de l’Empereur à Fontainebleau, il tenait les yeux baissés pour n’avoir pas l’air d’observer sur sa figure l’effet de la triste missive. « Ah vous regardez mon pied, lui dit l’Impératrice ; on m’a toujours dit qu’il était joli. » Cette préoccupation de coquetterie féminine parut singu-