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CHANT XXIX


ARGUMENT

Passage à la dixième vallée, où sont punis les charlatans et les faussaires.


La foule des morts, le sang et les blessures m’avaient plongé dans une si douloureuse ivresse, que mes yeux, noyés de larmes, ne se lassaient pas d’en verser.

— Que fais-tu donc ? me dit le sage. N’es-tu pas rassasié du spectacle de ces ombres mutilées ? Ce n’est pas ainsi que je t’ai vu plus haut ; et, si tu crois nombrer leur multitude, songe à l’immense contour de la vallée [1] : déjà la lune passe sous nos pieds [2], le temps qui nous fut mesuré s’écoule, et ce qui reste à parcourir est encore autre que tu ne penses.

— Si le sujet de mes larmes vous était mieux connu, lui dis-je, vous m’en laisseriez répandre encore.

Cependant, il s’était avancé ; et moi, poursuivant l’entretien :

— J’ai cru, repris-je, au fond de l’enceinte où j’attachais mes regards, reconnaître un homme de mon sang qui pleurait avec la foule malheureuse.

— N’arrête pas, me dit le poëte, n’arrête pas