Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plus longtemps tes regrets sur lui ; car je l’ai vu là-bas te désigner en te menaçant de la main, et ses compagnons l’ont nommé Géri du Bello [3] ; mais il s’est dérobé pendant tes dernières paroles avec cette ombre d’Angleterre.

— Ô bon génie, m’écriai-je, c’est la mort funeste dont il a péri, et dont les siens n’ont pas vengé l’outrage, qui m’a valu cet affront ! mais son fier silence parle avec plus de force à mon âme attendrie.

C’est dans ces entretiens que nous poursuivions notre route, et nous parvînmes ainsi à la dixième et dernière des vallées maudites : mais nous étions à peine vers la base du pont, que, de ses cavités sombres, il s’éleva des cris mêlés de plaintes, des voix perçantes et lamentables, dont les sons aiguisés par la pitié pénétrèrent tous mes sens ; si bien que je m’arrêtai par trop d’émotion, levant les mains et fermant mes oreilles.

Tel que serait, au déclin d’un été malfaisant, le spectacle des hôpitaux de Sardaigne, des marais de Toscane et des vallons du Clain, versant à la fois leurs malades dans une même fosse ; telle s’offrit la dixième vallée, et tel s’exhalait de ses flancs un air de corruption et de mort.

Aussitôt nous descendîmes de la voûte du pont vers la rive opposée, et c’est alors que je reconnus la place où l’inexorable justice appelle et retient à jamais les faussaires.