Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/164

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peut-être quelque reproche muet de sa conscience, quand il regardait du côté de la belle rivière, symbole de son amour si pur.

Il y a en effet dans le langage énigmatique qu’il se fait tenir par l’Amour la trace d’arrière-pensées que, suivant son habitude, il ne peut s’empêcher de laisser entrevoir, tout en laissant surtout à deviner.

Si l’Amour lui a rapporté son cœur d’auprès de celle qui avait servi de défense à son secret pour qu’il lui serve près d’une autre, c’est donc que son cœur était en jeu dans cette simulation d’amour et que, comme il arrive parfois aux hommes, le grand amour qui l’occupait y laissait encore quelques places disponibles. N’est-ce pas à cela que l’Amour (ou sa conscience) fait allusion quand il lui dit : « moi je suis toujours le même, mais toi tu changes. » ? Et il lui recommande de n’en rien laisser transpirer.

Et ce n’est pas seulement le départ de la dame de l’église qui sollicite l’effusion de son lyrisme : nous voyons encore la mort d’une femme jeune et belle lui inspirer des accens non moins émus[1]. Et plus tard enfin les témoignages de compassion sympathique qu’il recevra

  1. Chapitre VIII.