Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/43

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ecce Deus fortior me qui veniens dominabitur mihi[1]. Puis l’esprit animal qui habite là où tous les esprits sensitifs apportent leurs perceptions[2] fut saisi d’étonnement et, s’adressant spécialement à l’esprit de la vision, dit ces mots : apparuit jam beatitudo vostra[3]. Puis, l’esprit naturel qui réside là où s’articule la parole[4] se mit à pleurer, et en pleurant il disait : heu miser ! quia frequenter impeditus ero deinceps[5].

Depuis ce temps, je dis que l’Amour devint seigneur et maître de mon âme, et mon âme lui fut aussitôt unie si étroitement qu’il commença à prendre sur moi, par la vertu que lui communiquait mon imagination, une domination telle qu’il fallut m’en remettre complètement à son bon plaisir.

Il me commandait souvent de chercher à voir ce jeune ange ; et c’est ainsi que dans mon

  1. Voici un Dieu plus fort que moi, qui viendra me dominer.
  2. Le cerveau.
  3. C’est votre Béatitude qui vous est apparue.
  4. Dans le texte : ove si ministrato nutrimento nostro. Je me suis permis de traduire autrement cette phrase. Fraticelli l’a également interprétée dans son commentaire par : lo spirito vocale.
  5. « Malheureux que je suis, je vais me trouver souvent bien empêché. » Nous trouvons plusieurs fois le mot impeditus employé dans le sens de embarrassé, troublé.