Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je tombai dans un doux sommeil où m’apparut une vision merveilleuse.

Il me sembla voir dans ma chambre un petit nuage couleur de feu dans lequel je distinguais la figure d’un personnage d’aspect inquiétant pour qui le regardait[1] ; et il montrait lui-même une joie vraiment extraordinaire, et il disait beaucoup de choses dont je ne comprenais qu’une partie, où je distinguais seulement : « Ego dominus tuus[2]. » Il me semblait voir dans ses bras une personne endormie, nue[3], sauf qu’elle était légèrement recouverte d’un drap de couleur rouge. Et en regardant attentivement, je connus que c’était la dame du salut, celle qui avait daigné me saluer le jour d’avant. Et il me semblait qu’il tenait dans une de ses mains une chose qui brûlait, et qu’il me disait : « Vide cor tuum[4]. » Et quand il fut resté là un peu de temps, il me semblait qu’il réveillait celle qui dormait, et il s’y prenait de telle ma-

  1. Ce personnage était l’Amour.
  2. Je suis ton maître.
  3. On a vu dans cette nudité un symbole de virginité. L’opinion exprimée par quelques auteurs que Béatrice était déjà mariée à cette époque, ne saurait se concilier avec cette attribution symbolique.
  4. Vois ton cœur.