Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/76

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tournant les yeux vers moi et m’appelant par mon nom, me dit : « Pourquoi et dans quel but aimes-tu donc cette personne, puisque tu ne peux soutenir sa présence ? Dis-nous-le parce que le but d’un tel amour, il faut qu’il soit d’un genre très particulier. » Et quand elle eut dit ces paroles, elle et toutes les autres se regardèrent en attendant ma réponse.

Alors je leur dis : « Mesdames, tout ce que demandait mon amour était le salut de cette femme, dont vous entendez peut-être parler. C’est en cela que résidait la béatitude qui était la fin de tous mes désirs. Mais, depuis qu’il lui a plu de me le refuser, mon seigneur l’Amour a mis par sa grâce toute ma béatitude dans ce qui ne peut me manquer. »

Ces dames se mirent alors à parler entre elles et, de même que nous voyons quelquefois tomber la pluie mêlée à une neige très blanche, il me semblait voir leurs paroles entrecoupées de soupirs. Et quand elles eurent ainsi parlé quelque temps ensemble, celle qui m’avait adressé la parole la première me dit : « Nous te prions de nous dire en quoi réside ta béatitude. » Et je répondis : « Elle réside dans les paroles qui sont à la louange de ma Dame. » Et elle