Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/85

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cacher mes yeux dans mes mains. Et si ce n’était que je me trouvais dans un endroit où passaient la plupart des femmes qui parlaient d’elle, attentif à ce qu’elles disaient, je serais allé me cacher aussitôt que mes larmes commencèrent à couler. Et, comme je me tenais toujours là, d’autres passèrent encore devant moi, qui se disaient les unes aux autres : « Qui de nous pourra être gaie, maintenant que nous l’avons vue tant pleurer ? » D’autres disaient en me voyant : « En voici un qui pleure ni plus ni moins que s’il l’avait vue comme nous. » D’autres disaient encore : « Comme il est changé ! Il ne paraît plus du tout le même. »

C’est ainsi que j’entendais les femmes qui passaient parler d’elle et de moi. Je pensai alors à prononcer quelques paroles que je pouvais bien exprimer à propos de tout ce que j’avais entendu dire à ces femmes. Et comme je leur en aurais volontiers demandé la permission, si je ne m’étais trouvé retenu par quelque crainte, je me décidai à faire comme si je la leur avais demandée et qu’elles m’eussent répondu. Je fis alors deux sonnets : dans l’un, je m’adresse à elles comme j’aurais pu le faire de vive voix ; dans l’autre, je prends la réponse dans les mots que j’avais en-