Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/90

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Tu dois être bonne, puisque tu as habité ce corps. Viens à moi, car je te désire beaucoup : tu vois que je porte déjà ton empreinte.

Et il me sembla alors qu’après avoir vu remplir ces douloureux offices que l’on rend aux morts, je retournais dans ma chambre, et je regardais le ciel, et je disais à haute voix : « Ô âme bienheureuse, bienheureux est celui qui te voit ! »

Et comme je disais ces mots au milieu de sanglots douloureux, et appelant la mort, une femme jeune et gentille qui se tenait près de mon lit, croyant que mes pleurs et mes plaintes s’adressaient à ma propre maladie, se mit tout effrayée à pleurer comme moi. Et les autres femmes qui étaient dans la chambre, attirées par ses pleurs et s’apercevant que je pleurais aussi, l’éloignèrent de moi : cette jeune femme était une de mes plus proches parentes.

Alors elles s’approchèrent toutes de mon lit et voulurent me réveiller, car elles croyaient que je rêvais, et elles me disaient : « Ne dors plus, ne te laisse pas décourager ainsi. » Et pendant qu’elles me parlaient, mon imagination se calma, au point que je voulais dire : « Ô Béatrice, sois bénie ! » Et à peine avais-je prononcé Béatrice