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DE LA VARIABILITÉ.

pendant cet arbre n’a été l’objet de presque aucune culture. Dans le Staffordshire, j’ai soigneusement examiné un grand nombre de Geranium phœum et Pyrenaicum, deux plantes du pays, qui n’ont jamais été fortement cultivées. Ces plantes s’étaient spontanément répandues par graines dans une plantation ouverte, et les semis qui en étaient résultés avaient varié par presque tous leurs caractères, par leur feuillage et leurs fleurs, à un degré extraordinaire, sans qu’ils eussent cependant été exposés à de grands changements de conditions.

Relativement aux animaux, Azara[1] a remarqué avec quelque surprise que, tandis que les chevaux marrons des Pampas sont toujours d’une des trois couleurs dominantes, et le bétail toujours uniforme, ces mêmes animaux, élevés dans les estancias non encloses, où on les garde à un état qu’on peut à peine appeler domestique, et où ils sont soumis à des conditions identiques à celles où se trouvent les chevaux marrons, offrent cependant une grande diversité de couleurs. De même il existe dans l’Inde certaines espèces de poissons d’eau douce, qu’on ne soumet à aucun traitement particulier autre que celui de les tenir dans de vastes viviers ; ce léger changement suffit cependant pour causer chez eux de la variabilité[2].

Quelques faits sur l’action de la greffe méritent attention au point de vue de la variabilité. Cabanis assure que, lorsqu’on greffe certaines poires sur le coignassier, leurs graines donnent plus de variétés que les graines de la même poire greffée sur le poirier sauvage[3]. Mais comme la poire et le coing sont des espèces distinctes, bien qu’assez voisines pour qu’elles puissent parfaitement être mutuellement greffées l’une sur l’autre, la variabilité qui en résulte n’a rien de surprenant, car nous pouvons en trouver la cause dans la différence de nature entre le sujet et ses racines et le reste de l’arbre. On sait que plusieurs variétés de pruniers et de pêchers de l’Amérique du nord se reproduisent exactement par graine ; mais, d’après Downing[4], lorsqu’on greffe une branche d’un

  1. Quadrupèdes, etc., 1801, t. I, p. 319.
  2. M’Clelland on Indian Cyprinidæ, Asiatic Researches, xix, t. II, 1839, p. 266, 268, 313.
  3. Sageret, Pomologie Phys., 1830, p. 43.
  4. The Fruits of America, 1845, p. 5.