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Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/283

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CAUSES

de ces arbres sur une autre souche, elle perd la propriété de reproduire son propre type par graine, et redevient comme les autres, c’est-à-dire que ses produits sont très-variables. Voici encore un cas : la variété du noyer Lalande se feuille entre le 20 avril et le 15 mai, et ses produits de graine héritent invariablement de la même particularité ; plusieurs autres variétés de noyer se feuillent en juin. Or, si on lève des semis de la variété Lalande qui se feuille en mai, greffée sur une autre souche de la même variété se feuillant aussi en mai, bien que, tant le sujet que la greffe, aient la même période précoce de feuillaison, les produits de ce semis se feuillent à des époques différentes, et plus tardivement, au commencement de juin[1]. Ces faits montrent bien de quelles causes minimes et obscures peut dépendre la variabilité.


Je dois signaler ici l’apparition de nouvelles et bonnes variétés d’arbres fruitiers et de froment dans les bois et autres localités incultes, circonstance qui est des plus anormales. C’est dans les bois qu’on a, en France, découvert un assez grand nombre des meilleures poires, et cela est arrivé si souvent que Poiteau affirme qu’il est rare que les meilleures variétés de nos fruits cultivés aient pris naissance chez les pépiniéristes[2]. En Angleterre, par contre, on n’a enregistré aucun cas d’une bonne variété de poire ayant été trouvée sauvage, et M. Rivers m’apprend qu’il n’en connaît pour le pommier qu’un seul exemple, celui de la variété Bess Poole, qui a été trouvée dans un bois dans le Nottinghamshire. Cette différence entre les deux pays peut s’expliquer en partie par le climat plus favorable de la France, mais surtout par le grand nombre de plantes qui, dans ce pays, lèvent de graine dans les bois ; c’est ce que je conclus de la remarque faite par un horticulteur français[3], qui considère comme une calamité l’habitude qu’on a d’abattre périodiquement comme bois à brûler, une grande quantité de poiriers avant qu’ils aient porté des fruits. Les variétés nouvelles qui surgissent ainsi dans les bois, bien que ne recevant pas un excès de nourriture, peuvent s’être trouvées exposées à de brusques changements de conditions ; mais on peut être dans le doute quant à savoir si c’est bien là la cause réelle de leur production. Il est toutefois possible qu’elles descendent d’anciennes variétés cultivées dans les vergers du voisinage[4],

  1. M. Cardan, Comptes rendus, déc. 1848.
  2. M. Alexis Jordan mentionne quatre poires excellentes trouvées dans les bois, Mémoires Acad. de Lyon, t. II, 1852, p. 159, et fait allusion à quelques autres. La remarque de Poiteau est citée dans Gardener’s Magazine, t. IV, 1828, p. 385. — Voir Gard. Chronicle, 1862, p. 335, pour une nouvelle variété de poire trouvée en France dans une haie. — Loudon’s Encyclop. of Gardening, p. 901.
  3. Duval, Hist. du Poirier, 1849, p. 2.
  4. Van Mons, Arbres fruitiers, 1835, t. I, p. 446, dit avoir trouvé dans les bois des plantes ressemblant à toutes les principales races cultivées de la poire et de la pomme ; cet auteur regarde ces variétés sauvages comme des espèces primitives.