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tent les régions de l’Amazone supérieur, dit que les mâles sont beaucoup plus nombreux que les femelles, et cela dans une proportion qui peut être de 100 pour 1. Edwards, qui a beaucoup d’expérience à ce sujet, estime que, dans l’Amérique du Nord, le rapport des mâles aux femelles, dans le genre Papilio, est de 4 à 1 ; M. Walsh, qui m’a transmis ce renseignement, affirme que tel est le cas pour le P. turnus. Dans l’Afrique méridionale, M. R. Trimen a constaté que les mâles sont en excès chez dix-neuf espèces[1] ; chez l’une de ces espèces, qui fourmille dans les localités ouvertes, il estime la proportion des mâles à cinquante pour une femelle. Il n’a pu, dans l’espace de sept années, récolter que cinq femelles d’une autre espèce dont les mâles sont abondants dans certaines localités. Dans l’île de Bourbon, M. Maillard a constaté que les mâles d’une espèce de Papilio sont vingt fois plus nombreux que les femelles[2]. M. Trimen m’apprend qu’autant qu’il a pu le vérifier lui-même ou le savoir par d’autres, il est rare que, chez les papillons, le nombre des femelles excède celui des mâles, mais trois espèces de l’Afrique du Sud semblent faire exception à cette règle. M. Wallace[3] dit que les femelles de l’Ornithoptera crœsus, de l’archipel Malais, sont plus communes et plus faciles à prendre que les mâles, mais c’est d’ailleurs une espèce rare. J’ajouterai ici que, chez le genre de phalènes Hyperythra, d’après M. Guenée, on envoie, dans les collections venant de l’Inde, de quatre à cinq femelles pour un mâle.

Lorsque la question du nombre proportionnel du sexe des insectes fut posée devant la Société d’entomologie[4], on admit généralement que soit à l’état adulte, soit à l’état de chrysalide, on prend plus de Lépidoptères mâles que de femelles ; mais plusieurs observateurs attribuèrent ce fait à ce que les femelles ont des habitudes plus retirées, et que les mâles sortent plus tôt du cocon. On sait, en effet, que cette dernière circonstance se présente chez la plupart des Lépidoptères comme chez d’autres insectes. Il en résulte, selon la remarque de M. Personnat, que les mâles du Bombyx Yamamai domestique, au commencement, ainsi que les femelles à la fin de la saison, ne peuvent, ni les uns ni les autres, servir à la reproduction, faute d’individus du sexe opposé[5]. Je ne puis croire, cependant, que ces causes suffisent à expliquer le grand excès des mâles chez les papillons, qui sont très-communs dans le pays qu’ils habitent. M. Stainton qui a, pendant plusieurs années, étudié avec soin les phalènes de petites dimensions, m’apprend que, lorsqu’il les recueillait à l’état de chrysalide, il croyait que les mâles étaient dix fois plus nombreux que les femelles ; mais que, depuis qu’il s’est mis à les élever sur une grande échelle, en les prenant à l’état de chenille, il a pu se convaincre que les femelles sont certainement plus nombreuses. Plusieurs entomologistes partagent cette opinion. M. Doubleday et quelques autres soutiennent un avis contraire, et affirment avoir élevé de l’œuf et de la chenille une plus grande proportion de mâles que de femelles.

Outre les habitudes plus actives des mâles, leur sortie plus précoce du

  1. Trimen, Rhopaovera Africæ Australis.
  2. Cité dans Trimen, Trans. Ent. Soc., vol. v, part. IV, 1866, p. 330.
  3. Transac. Linn. Society, vol. xxv p. 37.
  4. Proc. Entomolog. Soc., 17 fév. 1868.
  5. Cité par D. Wallace dans Proc. Ent. Soc., 3e série, vol. v, 1867, p. 487.