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FAUNE.

reconstituées avec des matières organiques mortes par des moyens inorganiques[1].

On ne trouve que deux sortes d’oiseaux sur les rochers de Saint-Paul : le fou et le benêt. Le premier est une espèce d’oie, le second un sterne. Ces deux oiseaux ont un caractère si tranquille, si bête, ils sont si peu accoutumés à recevoir des visiteurs, que j’aurais pu en tuer autant que j’aurais voulu avec mon marteau de géologue. Le fou dépose ses œufs sur le roc nu ; le sterne, au contraire, construit un nid fort simple avec des herbes marines. À côté d’un grand nombre de ces nids se trouvait un petit poisson volant que le mâle, je le suppose, avait apporté pour la femelle en train de couver. Un gros crabe fort actif (Grapsus) qui habite les crevasses du rocher me donnait un spectacle fort divertissant ; dès que j’avais dérangé la couveuse, il venait voler le poisson placé auprès du nid. Sir W. Symonds, une des quelques personnes qui ont débarqué sur ces rochers, me dit qu’il a vu ces mêmes crabes prendre les jeunes oiseaux dans les nids et les dévorer. Il ne pousse pas une seule plante, pas même un seul lichen sur cette île ; cependant plusieurs insectes et plusieurs araignées l’habitent. Voici, je crois, la liste complète de la faune terrestre : une mouche (Olfersia) qui vit sur le fou et un acarus qui a dû être importé par les oiseaux dont il est le parasite ; un petit ver brun qui appartient à une espèce qui vit sur les plumes ; un scarabée (Quedius) et un cloporte qui vit dans les excréments des oiseaux ; enfin de nombreuses araignées qui, je le suppose, chassent activement ces petits compagnons des oiseaux de mer. Il y a tout lieu de croire que la description si souvent répétée, d’après laquelle de magnifiques palmiers, de splendides plantes tropicales, puis des oiseaux et enfin l’homme s’emparent, dès leur formation, des îles coralliennes du Pacifique, il y a tout lieu de croire, dis-je, que cette description n’est pas tout à fait correcte. Au lieu de toute cette poésie, il faut

  1. M. Horner et sir David Brewster ont décrit (Philosophical Transactions, 1836, p. 65) une singulière « substance artificielle ressemblant à la nacre ». Cette substance se dépose en lames brunes, minces, transparentes, admirablement polies, possédant des propriétés optiques particulières à l’intérieur d’un vase dans lequel on fait rapidement tourner dans l’eau un tissu enduit d’abord de glu, puis de chaux. Cette substance est beaucoup plus molle, plus transparente, et contient plus de matières animales que les incrustations naturelles de l’Ascension ; mais c’est encore là une preuve de la facilité avec laquelle le carbonate de chaux et les matières animales se combinent pour former une substance solide ressemblant à de la nacre.