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FERNANDO-NORONHA.

malheureusement le dire pour rester dans le vrai, les premiers habitants des terres océaniques nouvellement formées consistent en insectes parasites qui vivent sur les plumes des oiseaux ou se nourrissent de leurs excréments, outre d’ignobles araignées.

Le plus petit rocher des mers tropicales sert de support à d’innombrables sortes de plantes marines, à des quantités incroyables d’animaux mi-partie végétaux, mi-partie animaux ; aussi se trouve-t-il entouré de poissons en grand nombre. Nos marins, dans les bateaux de pèche, avaient à lutter constamment avec les requins pour savoir à qui appartiendrait la plus grosse part des poissons qui avaient mordu à l’hameçon. On m’a dit qu’on avait découvert un rocher près des Bermudes, rocher situé à une grande profondeur, par le seul fait qu’on avait vu un nombre considérable de poissons dans le voisinage.


Fernando-Noronha, 20 février 1832. — Autant que j’ai pu en juger par les quelques heures passées en cet endroit, cette île est d’origine volcanique, mais non pas probablement de date récente. Son caractère le plus remarquable consiste en une colline conique, ayant environ 1000 pieds (300 mètres) d’élévation, dont la partie supérieure est fort escarpée et dont un des côtés surplombe la base. Ce rocher est phonolithique et divisé en colonnes irrégulières. On est d’abord disposé à croire, en voyant une de ces masses isolées, qu’elle s’est élevée soudain à l’état demi-fluide. Mais j’ai pu me rendre compte à Sainte-Hélène que des colonnes de forme et de constitution à peu près analogues provenaient de l’injection du roc en fusion dans des couches molles qui, en se déplaçant, avaient servi pour ainsi dire de moules à ces gigantesques obélisques. L’île entière est couverte de bois, mais la sécheresse du climat est telle, qu’il n’y a pas la moindre verdure. D’immenses masses de rochers, disposés en colonnes, ombragés par des arbres ressemblant à des lauriers et ornés d’autres arbres portant de belles fleurs roses, mais sans une seule feuille, forment un admirable premier plan à mi-hauteur de la montagne.


Bahia ou San-Salvador, Brésil, 29 février. — Quelle délicieuse journée ! Mais le terme délicieux est bien trop faible pour exprimer les sentiments d’un naturaliste qui, pour la première fois, erre dans une forêt brésilienne. L’élégance des herbes, la nouveauté des plantes parasites, la beauté des fleurs, le vert éblouissant du feuillage, mais par-dessus tout la vigueur et l’éclat général de la