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BAHIA. — BRÉSIL.

végétation, me remplissent d’admiration. Un étrange mélange de bruit et de silence règne dans toutes les parties couvertes du bois. Les insectes font un tel bruit, qu’on peut les entendre du vaisseau qui a jeté l’ancre à plusieurs centaines de mètres de la côte ; cependant, à l’intérieur de la forêt, il semble régner un silence universel. Quiconque aime l’histoire naturelle éprouve en un jour comme celui-là un plaisir, une joie plus intense qu’il ne peut espérer en éprouver à nouveau. Après avoir erré pendant quelques heures, je reviens au lieu d’embarquement, mais, avant d’y arriver, un orage tropical me surprend, j’essaye de m’abriter sous un arbre au feuillage si épais, qu’une averse, telle que nous les avons en Angleterre, ne l’aurait jamais traversé ; ici, au contraire, un petit torrent coule le long du tronc au bout de quelques minutes. C’est à cette violence des ondées qu’il faut attribuer la verdure qui pousse dans les fourrés les plus épais ; si les averses, en effet, ressemblaient à celles des climats tempérés, la plus grande partie de l’eau tombée serait absorbée et s’évaporerait avant d’avoir pu atteindre le sol. Je n’essayerai pas actuellement de décrire la magnificence de cette admirable baie, parce que, à notre retour, nous nous y arrêtâmes une seconde fois et que j’aurai sujet d’en parler à nouveau.

Partout où le roc solide se fait jour sur toute la côte du Brésil, sur une longueur d’au moins 2000 milles (3200 kilomètres) et certainement à une distance considérable à l’intérieur des terres, ce roc appartient à la formation granitique. Le fait que cette immense superficie est composée de matériaux que la plupart des géologues croient avoir cristallisés alors qu’ils étaient échauffés et sous une grande pression, donne lieu à bien des réflexions curieuses. Cet effet s’est-il produit sous les eaux d’un profond océan ? Des couches supérieures s’étendaient-elles sur cette première formation, couches enlevées depuis ? Est-il possible de croire qu’un agent, quel qu’il soit, aussi puissant qu’on puisse le supposer, ait pu dénuder le granit sur une superficie de tant de milliers de lieues carrées, si l’on n’admet en même temps que cet agent est à l’œuvre depuis un temps infini ?

À une petite distance de la ville, en un point où un petit ruisseau se jette dans la mer, j’ai pu observer un fait qui se rapporte à un sujet discuté par Humboldt[1]. Les roches syénitiques des cataractes

  1. Personal Narrative, vol. V, part. I, p. 18.