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EXCURSION DANS LES MONTAGNES.

en quelques secondes ; mais, pour quiconque ne sait pas la manière de s’en servir, c’est très-difficile, et on n’arrive à un résultat qu’au prix de grandes fatigues ; enfin j’arrivai à allumer du feu, ce dont je fus très-fier. Le Gaucho des Pampas emploie une méthode différente : il prend un bâton élastique ayant environ 18 pouces de longueur, il en appuie une des extrémités sur sa poitrine, et l’autre extrémité, taillée en pointe, repose dans un trou creusé au milieu d’un morceau de bois ; il fait alors tourner rapidement la partie courbe du bois exactement comme un vilebrequin. Dès que les Taïtiens eurent allumé leur feu, ils prirent une vingtaine de pierres ayant environ la grosseur d’une balle à jouer, qu’ils placèrent sur le bois enflammé. Dix minutes après le bois était consumé et les pierres chaudes. Pendant ce temps, ils avaient enveloppé de feuilles les morceaux de bœuf, le poisson, les bananes qu’ils voulaient faire cuire. Ils placèrent ces petits paquets entre deux couches de pierres chaudes, et recouvrirent le tout avec de la terre, de telle sorte que la vapeur ne pût s’échapper. Au bout d’un quart d’heure notre dîner était cuit et tout était délicieux. Ils disposèrent notre repas sur des feuilles de bananier, et, pour tasses, nous donnèrent la coquille d’une noix de coco ; j’ai rarement aussi bien dîné.

Il était impossible de jeter les yeux sur les plantes qui nous entouraient sans ressentir une grande admiration. De toutes parts des forêts de bananiers dont les fruits, bien que servant à l’alimentation sur une grande échelle, pourrissent sur le sol en quantité incroyable. Devant nous se trouvait un champ immense de cannes à sucre sauvages, et enfin, sur les bords du torrent, des quantités considérables d’ava, plante à la tige noueuse vert foncé et si fameuse autrefois pour ses puissantes qualités enivrantes. J’en mâchai un petit morceau, mais je trouvai que cette plante a un goût désagréable et âcre, à tel point qu’on aurait pu croire mâcher une plante vénéneuse. Grâce aux missionnaires, cette plante ne pousse plus maintenant que dans ces ravins éloignés. Tout auprès je pouvais voir l’arum sauvage, dont les racines cuites sont très-bonnes à manger et dont les jeunes feuilles sont meilleures que les épinards. On trouve là aussi l’igname sauvage et une plante liliacée appelée Ti, plante qui pousse en grande abondance ; elle a une racine brune, molle et qui ressemble, à s’y méprendre, à un gros morceau de bois ; cette racine nous sert de dessert ; elle est aussi sucrée que la mélasse et a un goût fort agréable. On trouve, en outre, plusieurs autres espèces de fruits sauvages et de plantes utiles. Dans le petit torrent